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La Chine, puissance majeure en devenir dans les Balkans

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Le 5ème sommet de coopération entre la Chine et les Pays d’Europe centrale et orientale s’est tenu à Riga le 5 novembre dernier. Nommé « l’initiative 16+1 »[1], ce rassemblement est l’expression d’une influence galopante de la Chine dans la région. C’est à travers des investissements colossaux réalisés par Pékin en Europe de l’Est que se dessinent les contours d’une stratégie globale, qui n’a de cesse de grandir.

Un partenaire économique de plus en plus incontournable en Europe de l’Est

Le président chinois Xi Jinping s'est rendu en Europe de l'est en juin 2016.
Le président chinois Xi Jinping s’est rendu en Europe de l’est en juin 2016.

La relation qu’entretient la Chine avec les Balkans trouve son ancrage moderne en Albanie. La prise de position de l’Etat albanais, dirigé alors par Enver Hoxha, en faveur de la Chine lors de la rupture sino-soviétique de 1961 lui vaut la perte d’aides financières soviétiques. Mais l’Albanie se voit bénéficier d’un rapprochement avec le gouvernement chinois, jusqu’à ce que ce dernier ne décide de se réorienter vers la Yougoslavie de Tito une décennie plus tard. Ce changement aura raison des liens tissés entre les deux États et en 1978, a lieu la rupture sino-albanaise. A partir de cette date, l’empire du Milieu n’a de cesse de nouer des liens économiques, politiques et personnels avec la Yougoslavie et la Roumanie. Cette situation dure jusqu’à la chute du mur en 1991. Face à une période nouvelle faite d’incertitudes et de tourments régionaux, la Chine décide de se retirer un temps du théâtre des Balkans.

Mais depuis les années 2000, et maintenant que la région a retrouvé une certaine stabilité, Pékin s’est enfin décidé à étendre son influence sur les Balkans. Aujourd’hui, le pays ne manque pas de multiplier des actes de présence dans la région. Ceux-ci se traduisent par l’intensification des échanges commerciaux, par des investissements massifs dans de nombreux secteurs (énergies, infrastructures…), mais aussi par la mise sur le marché de produits chinois à l’attention des différents pays des Balkans. Le 7 novembre dernier, Pékin a lancé un fonds d’investissement de 11 milliards de dollars destiné à l’Europe centrale et de l’Est dans les années à venir. Il s’agit d’une initiative importante pour les Balkans et elle sera pilotée par la Banque industrielle et commerciale de Chine (BICC). La Chine se pose ainsi comme une réelle alternative financière à l’Union européenne et à la Russie dans la région.

En parallèle, la Chine s’ouvre aux entreprises des pays d’Europe de l’Est afin que ceux-ci puissent exporter sur les marchés chinois. Une stratégie dite « win-win », puisque cette région d’Europe est en manque d’infrastructures modernes, alors même que certains de leurs produits s’exportent plus difficilement. Les « seize » Etats de la région veulent en effet profiter de l’émergence d’une « nouvelle route de la soie ».

La région des Balkans, maillon stratégique de « la nouvelle route de la soie »

Parmi les multiples investissements réalisés, le rachat de l’aéroport de Tirana par l’entreprise chinoise China Everbright Limited (CEL), mais aussi l’arrivée du géant chinois COSCO en Grèce qui détiendra bientôt 67% du capital du port du Pirée. Quant à la modernisation de la ligne de chemin de fer Belgrade-Budapest, axe majeur dans la région, la China Railway Corporation se charge de son financement, pour un montant évalué à près de 2,5 milliards d’euros.

Mis bout à bout, ces différents projets révèlent autre chose qu’une simple déferlante financière chinoise sur les marchés européens. Ils sont le reflet d’une stratégie d’expansion des entreprises chinoises à l’international (« going out »), mais surtout les prémices d’une « nouvelle route de la soie ». Dans l’imaginaire de Pékin, celle-ci se dessine de la Chine occidentale à l’Europe centrale en passant par  l’Asie centrale, l’Iran, la Turquie, le Bosphore, le Pirée et les Balkans. En effet, plus d’un quart des pays situés sur ce tracé sont en Europe de l’Est.

Cette initiative, appelée également « la Ceinture et la Route » (« One belt. One road »), consiste pour la Chine à développer de nouvelles infrastructures de transport, de commerce, d’échanges qui vont permettre dans les années à venir de réduire par trois le temps de transport de marchandises chinoises vers l’Occident. Ce grand projet permettrait ainsi à Pékin d’éviter des transports parfois très coûteux et longs par voie maritime en utilisant ce nouvel axe. C’est précisément pour cela que la Chine investit massivement dans les Balkans. Et ce n’est pas un hasard si les autorités chinoises étaient présentes en août dernier en Croatie à l’occasion du premier Forum de Dubrovnik. Renommé « l’initiative des trois mers » et regroupant 12 Etats d’Europe centrale et orientale[2], cette conférence a pour objectif de développer une coopération Nord-Sud par le biais d’infrastructures nouvelles et de projets communs reliant les espaces entre la Baltique, l’Adriatique et la mer Noire.

Sur le plan diplomatique, cette expansion est vue par Pékin comme un outil de rapprochement entre la Chine et l’Union européenne. En parallèle de ces initiatives économiques, la présence des Instituts Confucius sur le continent sont autant d’outils culturels du soft power chinois en Europe.

La Chine est une puissance en devenir dans la région. S’ils sont parfois vus comme une porte d’entrée sur le continent pour Pékin, les Etats de l’Europe de l’est ont néanmoins trouvé un allié économique de taille, alors même que les pays occidentaux ont du mal à investir et répondre aux attentes financières de la région.

[1] Cette initiative regroupe ainsi la Chine, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Slovaquie, la République Tchèque, la Roumanie, la Hongrie, la Bulgarie, la Serbie, la Slovénie, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, le Monténégro, la Macédoine et l’Albanie.

[2] Les 12 Etats représentés étaient : l’Autriche, la Bulgarie, la Croatie, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la République Tchèque, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie. Les Etats-Unis et la Chine étaient par ailleurs eux aussi présents.

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