L’Espace Schengen : le symbole d’une Europe malade ?
Réformer l’Espace Schengen, tel est le souhait de Silvio Berlusconi et Nicolas Sarkozy. Mais que sont exactement ces accords ? Signés en 1987 et entrés en vigueur dix ans plus tard, ces accords suppriment les frontières pour les pays signataires. Mais un article autorise également aux pays membres de rétablir temporairement (jusqu’à trente jours) leurs frontières pour des raisons sécuritaires, ce qui a pu être utilisé notamment lors de la tenue de sommets internationaux. Le Président français souhaite aujourd’hui rallonger la durée de cette période.
Si aujourd’hui Schengen vacille, c’est que plusieurs milliers de Tunisiens ont fui depuis la Révolution de Jasmin. Or, l’Italie a décidé de délivrer des permis de séjour de six mois à tous les immigrants tunisiens (ils sont environ 25 000 sur la petite île italienne de Lampedusa) dans l’optique de s’en débarrasser, ce qui avait irrité Paris. La France craint en fait la venue d’une partie des Tunisiens sur son territoire, et souhaite réguler cet afflux de migrants. Mais déjà, les intentions franco-italiennes de revoir le traité de Schengen font débat en Europe. Pour beaucoup, elles reflètent l’éclosion d’un euroscepticisme rampant en Europe, voire même d’un populisme nationaliste où chaque Etat rechigne de plus en plus à se montrer solidaire de son voisin. Si ces accusations peuvent paraître exagérées, il n’en demeure pas moins que l’Europe semble décrédibilisée par son manque d’unité dans tous les débats actuels.
Le nucléaire divise aujourd’hui l’Europe sur le plan énergétique : alors que la France affirme vouloir poursuivre dans la voie du nucléaire, nombreux sont les pays en Europe à revenir sur leur programme nucléaire. L’intervention en Libye a rappelé les différends européens sur le plan stratégique et militaire, déjà palpables lors de l’intervention en Irak en 2003. Sans oublier les désordres économiques régnant depuis de très longs mois sur l’Europe et la multiplication des critiques à l’égard de la monnaie européenne. Mais rediscuter de ce qui fait l’Espace Schengen depuis près de quinze ans est un nouveau pas franchi dans la remise en cause de l’Europe. Cette fois, certains Etats n’hésitent pas à s’attaquer à une convention politique à la portée hautement symbolique, puisqu’elle permet la libre-circulation des biens et des personnes.
Après l’adoption par la Hongrie d’une nouvelle Constitution très controversée et la montée en puissance des Vrais Finlandais, peut-on craindre l’émergence d’un populisme eurosceptique mettant à l’épreuve la solidité européenne ? La construction européenne, à force d’être en panne, pourrait alors laisser place à une déconstruction progressive de l’Europe. Mais nous n’en sommes pas là. L’Europe serait aujourd’hui bien avisée de redonner confiance en ses institutions à ses citoyens. Sans cela, le scepticisme à son égard pourrait ne pas décroître de sitôt…