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Une crise multiforme au Sénégal

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Début mars, le pays a connu une vague de contestation populaire d’une violence rare. Un épisode qui n’était pas arrivé depuis 10 ans. L’arrestation de l’opposant politique Ousmane Sanko a engendré la colère de la jeunesse. Le Sénégal, déjà plongé dans la crise sanitaire, une crise économique et sociale, fait désormais face à une crise politique. 

Ousmane Sanko lors d’une conférence de presse le 8 mars à Dakar

Une arrestation qui met le feu aux poudres au sein d’un contexte difficile

Le 3 mars, Ousmane Sanko a été arrêté pour « troubles à l’ordre public » alors qu’il se rendait au palais de justice escorté par ses partisans pour répondre à une convocation du juge. Le principal opposant politique a été accusé de « viols et menaces de mort » par une employée d’un salon de massage.

Sonko dénonce un complot orchestré par le gouvernement afin de l’écarter politiquement. Il était arrivé 3ème lors des dernières élections et le président Macky Sall le voit comme son principal opposant pour les prochaines élections présidentielles de 2024. Pour les partisans de Sonko, il s’agit d’une nouvelle manœuvre politique comme avaient subi les deux anciens rivaux majeurs du président. En effet, Karim Wade, le fils de l’ancien président Abdoulaye Wade, et Khalifa Sall, le maire de Dakar, avaient été écartés à cause d’ennuis judiciaires.

Toutefois, si l’arrestation d’Ousmane Sonko a enclenché les mobilisations dans le pays, la colère grondait en réalité depuis plusieurs semaines. Dans le contexte de la pandémie, la crise économique qui touche le pays attise fortement les tensions. L’une des conséquences de la crise sanitaire est notamment l’augmentation du chômage chez les jeunes, qui était déjà une inquiétude depuis plusieurs années.

Manifestation à Dakar en mars 2021
Dans une rue de Dakar, le 5 mars 2021, des manifestant protestent suite à l’arrestation d’Ousmane Sanko

La jeunesse dans la rue, une crise sociale et économique

Suite à l’arrestation, la population a envahi les rues de la capitale Dakar et d’autres villes du pays afin de montrer leur mécontentement envers le gouvernement. Les manifestations ont rapidement tourné à l’émeute, avec affrontements avec les forces de police, pillages et saccages. Ce, jusqu’à la libération sous contrôle judiciaire de Sonko le 8 mars. Après plusieurs jours d’émeutes, les blindés ont été déployés dans les rues de la capitale.

Les manifestations ont largement mobilisé au-delà du cercle des partisans d’Ousmane Sonko, révélant les profondes frustrations d’une population à bout, appauvrie par les répercussions économiques de la crise sanitaire. Elles reflètent aussi la détresse de la jeunesse sénégalaise, qui représente plus de 55 % de la population, ignorée du gouvernement et qui subit de plein fouet le chômage.

Une colère anti-française

Au cours de ces émeutes, des enseignes françaises ont été prises pour cible (Total, Auchan, Orange ou encore Eiffage). En effet, la France est l’un des principaux partenaires du Sénégal, et perçue proche du pouvoir du président Macky Sall. Les manifestants reprochent au président de laisser trop d’opportunités à la France et de ne pas laisser la chance aux entreprises locales et nationales de se développer. Les attaques contre les enseignes françaises symbolisent la volonté d’indépendance de la part de la jeunesse.

La relation entre la France et le Sénégal est l’une des plus complexes de l’Afrique francophone. Macky Sall, président depuis 2012, reste l’interlocuteur privilégié d’Emmanuel Macron depuis son arrivée à l’Elysée. Il l’était déjà du temps de son prédécesseur, François Hollande. Cette crise démontre la difficulté pour la France de changer son image en Afrique francophone après l’époque de la Françafrique. Emmanuel Macron avait d’ailleurs tenté de se présenter comme le président du changement dans cette relation. Cependant, la France reste une l’ancienne puissance coloniale et le ressentiment de dépendance politique demeure.

Le Sénégal est l’un des pays les plus stables d’Afrique et considéré comme un modèle de démocratie sur le continent. Toutefois, l’arrestation du principal opposant politique a sonné comme un détonateur d’une colère populaire qui gronde depuis des mois. Cette crise politique montre-t-elle la nécessité de repenser le système politique dans son entièreté dans le pays ?

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Garance GUILLEMOT

Je suis diplomée du Master 2 Global and European Relations option International Security Policy de l’European School of Political and Social Sciences. Je m'intéresse particulièrement aux problématiques internationales de paix, de sécurité et de défense.

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