L’Abkhazie donne des maux de tête à la Russie
Le président abkhaze, Alexandre Ankvab, a échappé hier à une tentative d’assassinat. Armés de fusils d’assaut, de lance roquettes et de grenades, les assaillants (non identifiés à cette heure), ont tué un garde du corps et sérieusement blessé deux autres. Cet attentat témoigne de l’incapacité de Moscou à maintenir un semblant d’ordre dans le pays.
Situé au nord ouest de la Géorgie, l’Abkhazie n’est pas officiellement un pays : elle a déclaré son indépendance vis-à-vis de la Géorgie en 1992, indépendance aujourd’hui reconnue par six Etats seulement (Nicaragua, Venezuela, Nauru, Vanuatu, Tuvalu et bien entendu Russie). Ce micro Etat de moins de 250 000 habitants, véritable mosaïque ethnique, a été, avec l’Ossétie, la cause de la guerre russo-géorgienne de 2008. Satellite de Moscou, le pays est toujours occupé par l’armée russe (chargée de le protéger de la Géorgie et de maintenir l’ordre) et sa monnaie est le rouble russe.
Ces faits ne doivent pas cacher la réalité : si l’Abkhazie est, de facto, sous tutelle russe, la petite république se révèle bien plus indisciplinée que ne l’avait attendu le Kremlin.
En effet, M. Ankvab, élu suite à un scrutin très contesté, n’était pas le candidat soutenu par Moscou. De plus, les efforts de la Russie pour implanter ses entreprises sur place (l’objectif étant de profiter d’un extraordinaire potentiel touristique) se sont tous soldés par des échecs cuisants. La raison en est simple. Le grand mal de l’Abkhazie, ce sont les mafias : le pays est idéalement placé sur la route « terrestre » de la drogue. Ce sont ces groupes criminels qui contrôlent le pays et son économie, la corruption étant à tous les niveaux : ainsi, M. Ankvab a récemment limogé l’ensemble du ministère de l’immigration du pays, pour faits avérés de corruption. Ces groupes n’entendent pas faire affaire et tolérer l’ingérence et le contrôle d’entreprises étrangères.
Pour ces mafias, l’intervention de Moscou en 2008 a été une catastrophe. En effet, depuis 1992, les mafias jouissaient d’une totale impunité : la Géorgie n’exerçait aucune autorité sur le territoire abkhaze et la police locale a très vite été infiltrée. Une zone de relatif non droit en somme. Avec l’armée russe, les choses sont très différentes. Mandatée par le Kremlin pour maintenir l’ordre, elle s’oppose tout naturellement aux mafias. Force exogène et puissante, l’infiltrer, la corrompre ou la combattre frontalement se révèle impossible. Une situation difficile donc, face à laquelle les mafias n’entendent pas rester impassibles, en témoigne l’attentat d’hier.
Moscou se trouve ainsi dans une situation délicate. Elle qui a défendu les armes à la main l’indépendance de l’Abkhazie face à la rebelle Géorgie doit maintenant gérer une république rebelle de plus. Elle ne tire de son intervention aucun dividende économique, on l’a vu, ni politique (l’intervention russe qui jouait sur la fibre nationaliste, révèle en fait les faiblesses du pays par son incapacité à maintenir l’ordre) et encore moins diplomatique, le coup de force de Poutine ayant été très mal perçu par les chancelleries occidentales.