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Intervention française en Centrafrique : le spectre d’un « nouveau Rwanda ».

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Cinq jours après le début de l’opération « Sangaris » menée par l’armée française en République Centrafricaine, François Hollande s’est rendu ce mardi 10 décembre 2013 à Bangui pour rencontrer les soldats français et le président de transition, Michel Djotodia, qui exhorte les français à empêcher les massacres à caractères confessionnels et ethniques.

Alors que deux soldats français du 8ème RPIMA de Castres viennent de tomber en Centrafrique, devenant ainsi les premières victimes françaises de l’opération « Sangaris » comptant 1200 hommes, les militaires français se trouvent face à une situation politique et stratégique plus complexe qu’attendue. Ce qui devait à l’origine n’être qu’une opération de police se transforme au fil des jours en une délicate gestion des tensions communautaires locales, dans un contexte de lynchages interconfessionnels que le département d’Etat américain a qualifié de situation « prégénocidaire ». En effet, l’arrivée des militaires français, dont le mandat onusien obtenu le 5 décembre est officiellement celui d’un appui aux forces de maintien de la paix de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (Misca), a bouleversé les rapports de force dans le pays : concentrés sur le désarmement de l’ex-Séléka musulmane qui a amené M. Djotodia au pouvoir en mars dernier, ils ont indirectement favorisé les milices chrétiennes anti-Balaka (« anti-machettes ») qui profitent du nouvel arrivant pour commettre des exactions contre la minorité musulmane (environ 10% de la population du pays). La réaction des ex-Séléka, qui se sont rendu au camp Béal pour y être recensés et désarmés comme l’ultimatum français l’avait ordonné, a été rapide : ils dénoncent l’action des soldats français qui, disent-ils, les livrent sans défense à la vindicte de la majorité chrétienne et préparent la tenue d’un « nouveau Rwanda ».

Le spectre d’une spirale de représailles à caractère religieux menant à des massacres de grande échelle est en effet de plus en plus présent à l’esprit des habitants de Bangui, où plusieurs civils musulmans ont été tués à l’arme blanche depuis l’arrivée des français.

L’opération de désarmement menée par l’armée française s’annonce ainsi beaucoup plus délicate que prévue : la multiplicité des groupuscules issus de la désintégration de la Séléka et de la réaction anti-Balaka, l’absence d’interlocuteur bien identifié auprès de chacun des acteurs – Michel Djotodia ayant perdu le contrôle de la plupart de ses anciennes troupes-, la difficulté d’une réintégration paisible des anciens combattants de la rébellion dans un contexte de tensions communautaires accrues sont autant d’entraves à un retour rapide de la paix. Le rôle des militaires français n’en sera pas moins fondamental au côté d’une force africaine Misca mal équipée et financée, censée compter 3600 hommes à la fin de son déploiement mais qui n’en compte aujourd’hui que 2500.

Cependant, le spectre de l’opération Turquoise de 1994 au Rwanda demeure vivace, elle qui bénéficiait aussi du soutien de l’ONU mais qui est encore controversée pour son impuissance à empêcher plusieurs massacres et pour un désarmement insuffisant des génocidaires. François Hollande devra tirer les leçons de cette expérience tragique pour tenter d’empêcher un « nouveau Rwanda » et ne pas répéter les erreurs – ironie du sort – de cet autre chef de guerre socialiste qu’il admire tant, François Mitterrand.

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