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Génocide Rwandais: Quelles leçons ? (3/3)

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Le général Canadien Roméo Dallaire, commandant de la MINUAR en 1994
Le général Canadien Roméo Dallaire, commandant de la MINUAR en 1994

Suite au génocide Rwandais qui s’est déroulé entre Avril et Juillet 1994, et dont le bilan s’élève à 800 000 morts selon les chiffres de l’ONU, divers travaux d’enquête, réalisés par l’ONU, l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine), ou encore des missions parlementaires belge et française, ont été menés pour tenter de faire la lumière sur celui-ci et dégager les responsabilités, tout en en analysant les causes et les conséquences.

 

La question de la préparation

La première interrogation qui émerge est celle de la préparation du génocide par les franges radicales des proches du Président Habyarimana, et cadres du Hutu Power. En effet, l’ampleur et la rapidité des massacres témoignent d’une probable préparation en amont, d’autant que les témoignages et preuves s’accumulent en ce sens, même si la théorie de la préparation fait encore débat chez certains historiens.

Dès 1990, date à laquelle la rébellion Tutsi s’amplifie, et jusqu’en 1994, les autorités françaises reçoivent notamment des câbles en provenance de l’ambassade française sur place faisant état d’un risque élevé de déstabilisation du pays et de massacres. À titre d’exemple, le général français Varret rapporte avoir entendu commandant de gendarmerie rwandais déclarer « ils sont très peu nombreux, nous allons les liquider ». L’audition de plusieurs responsables devant la Cour d’Assises de Bruxelles, à l’instar de Xavier Nzanzuwera, procureur de Kigali jusqu’en 1995, a montré qu’il existait un « plan d’extermination », en vertu duquel les autorités avaient établi des listes ethniques avant l’attentat et distribué des radios afin que soient relayés les messages des médias génocidaires comme la Radio-Télévision des Mille Collines, médias dont le rôle clé dans le génocide se doit d’être souligné, que ce soit avant son déclenchement comme instruments de propagande appelant, parfois directement, au meurtre des Tutsis, mais également pendant, via des appels au « travail ».

Démission de la communauté internationale

L’un des principaux enseignements du génocide rwandais consiste en la démonstration de l’incapacité de l’ONU et de la communauté internationale à parvenir à un consensus lui permettant d’agir avec rapidité et efficacité pour arrêter les massacres. Il faut écarter l’idée selon laquelle les gouvernements occidentaux et les instances internationales n’étaient pas avertis de l’ampleur de la situation, et ce dès les premiers jours. En effet, dès avril 1994, les reportages journalistiques complétés des câbles diplomatiques et témoignages dont disposaient les autorités, ne laissèrent aucune place au doute.

Comment expliquer alors la démission de la communauté internationale, le refus de qualifier la situation de génocide, et même la diminution des effectifs de la MINUAR (Mission d’Assistance des Nations Unies pour le Rwanda) dans le premier mois des massacres ?

Tout d’abord, il convient de rappeler qu’en 1993, plusieurs dizaines de casques bleus, notamment américains, étaient morts en Somalie, après que l’ONU ait décidé d’intervenir face à la déstabilisation du pays en autorisant à ses représentant la mise en oeuvre d’actions armées (en l’espèce, de la saisie de caches d’armes). C’est pourquoi la communauté internationale, et les Etats-Unis au premier chef, se montrent alors réticents à autoriser l’emploi de la force par la MINUAR, au grand dam du général responsable de la mission, Roméo Dallaire. D’autant que la mort de dix soldats belges de la MINUAR dès la première semaine des massacres conduit la Belgique à retirer ses troupes, qui constituaient 50% des effectifs de la mission. D’où la décision de l’ONU de ne maintenir dans le pays que 350 soldats.

En outre, le refus de la part de la communauté internationale de qualifier les évènements en cours de génocide s’explique notamment par la composition des textes de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, qui impose aux signataires, en cas de génocide constaté, une intervention immédiate. D’où l’emploi de périphrases telles que « actes de génocide »…

La question de l’éventuelle responsabilité de la France

La question du rôle de la France dans le génocide fait très largement débat. Les autorités actuelles du Rwanda l’accusent de complicité dans le génocide, ou tout du moins d’avoir laissé faire. Ces accusations s’appuient sur le constat de l’existence de relations suivies entre les autorités françaises et rwandaises avant le génocide. La France a notamment armé les FAR (Forces Armée Rwandaises) au début des années 1990 et largement restructuré ces dernières, ainsi que les forces de police et de gendarmerie du pays. En outre, la persistance de massacres dans la zone protégée par la force française Turquoise à partir de juin 1994 pose question. Enfin, nombreux sont ceux qui dénoncent l’attitude de la France, qui aurait laissé certains génocidaires trouver refuge sur son sol, même si les autorités ont répondu qu’elles en ignoraient l’identité.

Dans la même série:

Génocide Rwandais: Génèse (1/3)

Génocide Rwandais: Déroulement (2/3)

Sur le même sujet:

Le Génocide Rwandais en 1994 et son impact sur la région des grands Lacs 

 

 

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