Burkina Faso : bilan d’un coup d’Etat avorté
Le 16 septembre, alors que les autorités burkinabè se préparaient à la campagne présidentielle achevant la période de transition ouverte après la destitution de Blaise Compaoré en octobre 2014, des membres du régiment de sécurité présidentielle (RSP), garde rapprochée de l’ancien président menée par le Général Diendiéré, ont pris en otage les membres du gouvernement de transition. Dans les premières heures aucune revendication claire n’est formulée par les membres du RSP, les propositions récentes visant à supprimer ce corps, véritable armée dans l’armée, sont considérées comme l’élément déclencheur de ce coup d’Etat. De même, l’enquête en cours concernant la mort de Thomas Sankara, dans laquelle seraient impliqués des membres de l’armée et des responsables politiques, est également perçue comme une des causes possibles du soulèvement des membres du RSP qui n’en est pas à sa première tentative de déstabilisation des autorités de transition. Un comité national de la démocratie est créé et les putschistes déclarent avoir agi afin de mettre fin à l’insécurité pré-électorale qui régnerait dans le pays, avec le soutien des autres corps de l’armée mais sans lien avec l’ex-président. Rapidement condamné par la communauté internationale (Union africaine, CEDEAO, ONU), ce coup d’Etat est également rejeté par la rue et des troubles éclatent dans la capitale et dans les villes de province (Bobo Dioulasso, Fada N’Gourma, Dédougou). Un couvre-feu est instauré et des médiateurs sont désignés par la CEDEAO. Les présidents sénégalais Macky Sall et béninois Boni Yayi négocient une sortie de crise avec les membres du RSP qui, conscients de l’absence de soutien tant à l’échelle interne qu’externe, désirent une amnistie pour les actes commis à partir du 16 septembre. Ces éléments de négociations ne manquent pas de susciter l’ire de la population qui juge l’action de la CEDEAO trop clémente avec les membres du RSP alors que le pays est à l’arrêt depuis plusieurs jours et que le coup d’Etat a fait une dizaine de morts et de nombreux blessés. En parallèle, les membres de l’armée régulière décident de converger vers la capitale afin de désarmer le RSP et de mettre fin au coup d’Etat, assurant ainsi leur loyauté au régime de transition contrairement aux déclarations des putschistes. Un accord est finalement trouvé le 22 septembre selon lequel les institutions de transition sont rétablies et la garde présidentielle est cantonnée en attente de son désarmement. De même les élections initialement prévues à la mi-octobre sont reportées au 22 novembre.
Quel retour pour les autorités de transition ?
Si le rétablissement des autorités de transition met en exergue un renforcement de l’exigence démocratique dans le pays, dont la population mais aussi l’armée régulière a soutenu le retour, de nombreux défis se posent afin que le processus de transition ne soit pas à nouveau confisqué. Ce coup d’Etat a mis en avant l’importance des divisions qui demeurent dans le pays et le pouvoir toujours significatif de l’armée. La décision de dissolution du RSP et la création d’une commission d’enquêtes sur les infractions commises à partir du 16 septembre permettront en cela d’apaiser les tensions et de renforcer le renouveau des institutions en vue des élections présidentielles. Cela ne règle néanmoins pas la question de la mise à l’écart des élections des anciens proches de Blaise Compaoré, notamment les civils, membres du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). Nombre d’entre eux ont vu, tout comme des membres de l’Union pour un Burkina nouveau et de l’Organisation pour la démocratie et le travail, leurs avoirs gelés du fait de leur implication financière dans le coup de d’Etat. Ces actions fortes symboliquement illustrent ainsi l’ancrage réel processus enclenché fin 2014. Le rétablissement des autorités de transition revêt également un enjeu régional et géopolitique important dans un espace où neuf élections présidentielles auront lieu d’ici à 2016, et où de nombreux chefs d’Etats tentent de se maintenir de façon plus ou moins légale. Véritable coup d’Etat avorté, l’action des membres du RSP a ainsi paradoxalement renforcé – au moins temporairement – le processus démocratique dans le pays.