Le Burundi sur la voie rwandaise ?
Depuis les élections de juillet 2015, peu transparentes et ayant été qualifiées de « non crédibles » par le gouvernement américain, le Burundi s’enfonce dans une crise qui a pris depuis peu un tournant ethnique. En posant début novembre un ultimatum pour le règlement des tensions par la tenue d’un dialogue national et une amnistie pour les opposants, le président P. Nkurunziza fait craindre une dérive vers la guerre civile au sein de son pays. Il a annoncé à cet égard qu’à l’issue de cet ultimatum, prenant fin le 8 novembre, les autorités de police seraient autorisées à user de tous les moyens face à ceux qui auraient refusé de déposer leurs armes, et tomberaient ainsi sous le coup de la loi antiterroriste. A cela s’ajoute diverses déclarations émanant de personnages haut placés, tels que le président du Senat Révérien Ndikuriyo enjoignant les forces de l’ordre à « travailler », référence sans équivoque aux actions menées par les milices du régime rwandais pour réprimer les tutsi et les opposants. Cette dérive ethnicisante, réfutée par les autorités, a néanmoins conduit les Etats Unis à retirer les privilèges commerciaux du pays et une condamnation de la part de la France qui craint une résurgence des antagonismes entre les populations Hutus et Tutsis. Les opposants au troisième mandat de P. Nkurunziza étant majoritairement Hutus, ces tentatives semblent avoir un impact relatif sur la population. Néanmoins, elle se prépare au pire et nombre de personnes ont décider de fuir la capitale.
Quelle sortie de crise ?
Face à la menace d’une opération de répression à large échelle sous couvert du désarmement de personnes désignées comme « ennemis de l’Etat » et aux échecs de médiation de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est, la France a demandé à ce que la situation du pays fasse l’objet d’une analyse par le Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU). Le 12 novembre, le CSNU a adopté une résolution visant à appeler au dialogue entre le pouvoir et l’opposition au Burundi. En effet depuis les élections, les tensions croissantes dans le pays font craindre des affrontements communautaires rappelant les événements rwandais. La présence de l’ONU en tant que force d’interposition est également envisagée à plus long terme. Si des sanctions ont été envisagées dans un premier temps par la France, à l’origine de la résolution, cela a finalement été jugé contre-productif. L’Union africaine pourrait se saisir directement de cette possibilité évoquée au mois d’octobre. La résolution adoptée ce 12 novembre marque également une volonté de négociation de la part de la communauté internationale à laquelle ne semble pas enclin le gouvernement burundais. Dans ses dernières déclarations au CSNU, le ministre des relations extérieures se défend de toute situation de crise et indique que le pays se trouve dans une situation calme et maîtrisée, à l’exception de quelques lieux spécifiques et circonscrits. Dans ce contexte, l’envoi de troupes, qui requiert l’accord des autorités, n’est pas envisageable. De même, une décision contraignante du CSNU nécessiterait l’accord de la Chine, de la Russie et des membres non permanents africains (Nigeria, Tchad), ce qui s’avèrerait tout aussi difficile, ces derniers considérant cette situation comme une affaire interne au Burundi. Au regard de l’histoire récente et du potentiel belligène de la région des Grands Lacs, cette analyse semble toute relative.