Retour sur la rencontre historique entre le pape François et le patriarche Cyrille
Vendredi dernier, le 12 février, le pape François représentant l’Eglise catholique et le patriarche orthodoxe russe Cyrille se sont rencontrés à Cuba. Il s’agit de la première fois qu’un pape rencontre le patriarche de Moscou depuis le schisme de 1054. Une rencontre rendu possible du fait du contexte géopolitique actuel.
La rencontre préparée depuis deux ans entre les deux leaders religieux a eu lieu à Cuba, un lieu qui n’est pas choisi au hasard comme le rappelle le pape François lors de sa visite sur l’île en septembre 2015 « « Cuba est un archipel, d’une importance extraordinaire comme clé entre le nord et le sud, entre l’est et l’ouest, qui regarde vers tous les chemins. Sa vocation naturelle est d’être le point de rencontre pour que tous les peuples se réunissent dans l’amitié ». Cuba est en effet étroitement lié à l’époque de l’URSS et, récemment, c’est grâce à la médiation du pape que l’île a repris des relations diplomatiques avec les Etats-Unis : le lieu apparaît donc convenir aux deux parties. Toutefois, la rencontre est tenue secrète jusqu’au 5 février afin qu’elle ne froisse pas la branche conservatrice de l’orthodoxie russe. A l’issue de celle-ci le pape François et le patriarche de Moscou Cyrille ont signé une déclaration commune de 30 points. Ainsi, est évoqué dans cette déclaration le sort des chrétiens persécutés d’Orient et les deux hommes appellent la communauté internationale à trouver des actions urgentes pour faire cesser ces persécutions, mais aussi à tout faire pour mettre fin au terrorisme et à trouver des solutions pour rétablir la paix. Ils soulignent également leurs préoccupations par la situation dans les sociétés sécularisées où la liberté religieuse est menacée, où notamment les chrétiens n’ont plus le droit de témoigner de leurs convictions religieuses. Après avoir signé cette déclaration, chacun a repris son voyage : en Amérique latine pour le patriarche Cyrille et au Mexique pour le pape.
Un contexte géopolitique et religieux particulier
La lutte contre la persécution des chrétiens d’Orient apparaît véritablement comme la cause qui a permis à l’Eglise catholique et à l’Eglise orthodoxe russe de se rencontrer. Il faut rappeler qu’en 2013 alors que la France et les Etats-Unis envisageaient sérieusement une intervention armée en Syrie, le pape avait adressé une lettre à Vladimir Poutine, alors président du G20, prenant position contre ce projet d’intervention franco-américain. Le président russe et le pape François se sont également rencontrés deux fois depuis l’accès au rang de souverain pontife de l’ex-cardinal argentin. Ainsi, la protection des chrétiens d’Orient est le point central entre le Vatican et la Russie ce qui donne un soutien supplémentaire à l’action russe en Syrie largement critiquée par une partie de la communauté internationale. La rencontre entre le pape François et le patriarche Cyrille a également été possible suite à la neutralité du Saint-Siège sur le conflit ukrainien. Cette neutralité s’explique par, d’un côté, le souhait du pape de garder de bonnes relations avec la Russie et, de l’autre, de soutenir les ukrainiens de confession catholique qui ont soutenu la révolution de Maïdan.
Malgré le fait que cette rencontre ne soit que de nature œcuménique entre le pape François et le patriarche Cyrille, elle apporte tout de même un soutien de taille à Vladimir Poutine d’autant plus que l’on connait les liens entre ce dernier et le patriarche de Moscou. Ainsi, on assiste une fois de plus avec cette rencontre à une manœuvre de la part de la Russie visant à démontrer son poids et son retour sur la scène internationale.