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Les shebabs, facteur d’instabilité dans la corne de l’Afrique

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Plusieurs dizaines de personnes sont décédées le 28 février après des attaques du groupe terroriste Al-Shabaab en Somalie à Baidoa (Sud-ouest). Deux jours avant, le 26 février, 14 personnes avaient perdu la vie dans un attentat à Mogadiscio, la capitale du pays. Les shebabs qui ont été affaiblis ces derniers mois par la force armée de l’Union Africaine (Amisom) montrent qu’ils ont le pouvoir de mener des attaques très meurtrières en Somalie et à l’étranger (Kenya, Ouganda).

Les shebabs contrôlent encore de larges territoires dans le sud du pays
Les shebabs contrôlent encore de larges territoires dans le sud du pays

Le groupe Al-Shabaab (« la jeunesse » en arabe) s’est créé en 2006 quand les armées éthiopiennes sont entrées en Somalie avec l’appui des Etats-Unis pour lutter contre l’Union des Tribunaux Islamistes (UTI). Cette organisation de quinze tribunaux islamistes visait à implémenter la charia comme seule loi valable sur le territoire somalien. Al-Shabaab, branche armée de l’UTI, s’est radicalisé à la suite de cette invasion éthiopienne sur le territoire somalien. Cependant le Gouvernement Fédéral de Transition appuyé par l’Éthiopie et le Kenya, ainsi que les Etats-Unis va progressivement reprendre contrôle de l’essentiel du pays. Si l’UTI sera anéanti début 2007, les shebabs (membres d’Al-Shabaab) vont continuer la lutte armée, s’affiliant à Al-Qaïda en 2012. En 2009, ils réussissent à contrôler une partie importante de Mogadiscio mais s’en feront déloger en 2011 par les forces alliées africaines. Ils ne contrôlent alors plus que des territoires ruraux dans la partie sud de la Somalie.

Une force de frappe très importante

Le groupe a été notamment responsable de plusieurs attaques particulièrement meurtrières au Kenya. En septembre 2013, une attaque dans le centre commercial de Westgate avait coûté la vie à 67 personnes et le 2 avril 2015, ce sont 142 étudiants qui avaient été assassinés par un commando terroriste sur le campus de l’université de Garissa. Mais ils sont également à même de mener des actions contre l’armée. Mi-janvier 2016, une attaque contre l’armée kenyane aurait fait entre 100 et 180 morts selon des officiels somaliens. Car les shebabs possèdent une armée qui compterait entre 5000 et 9000 soldats et contrôlent toujours de larges parties du sud du pays (voir carte). Malgré des pratiques très violentes, le mouvement bénéficie d’une certaine popularité parmi les somaliens. Ils avaient en effet réussi en 2011 à apporter une certaine stabilité dans un pays très marqué par la guerre et avaient bénéficié d’une bonne image jusque dans les milieux d’affaires. Une partie de leurs revenus provient même des sympathisants de la diaspora.

Une organisation en perte de vitesse

Ces dernières années avaient toutefois vu le déclin du groupe alors que la force armée africaine reprenait du terrain et diminuait ainsi leurs revenus. Mais le groupe revient sur le devant de la scène en ce début d’année 2016 mu par une guerre interne entre les partisans d’Al-Qaïda, l’allié historique, et les partisans de l’organisation État Islamique (EI). De nombreuses défections pour l’EI ont été réprimées dans le sang. Le groupe veut en effet montrer, par ce sursaut, que le gouvernement fédéral ne contrôle absolument pas le territoire et que les shebabs représentent toujours une alternative sérieuse à son pouvoir. Ils ont un pouvoir exclusif et similaire à l’EI dans les zones qu’ils contrôlent, tant sur les finances que sur des problèmes liés à la vie quotidienne.

Comme souvent dans ce genre de cas, l’État failli de Somalie est devenu le terrain de jeu des puissances environnantes. Plusieurs rapports incriminaient l’Érythrée comme fournisseur d’armes aux groupes d’opposition au Gouvernement Fédéral de Transition (GFT) en 2010, notamment Al-Shabaab. Par là l’Erythrée pouvait lutter contre l’influence de son ennemi l’Éthiopie qui finançait le GFT et vendait des armes à des groupes paramilitaires loyaux à leur cause ; le GFT étant vu un comme un gouvernement aux ordres d’Addis-Abeba. Mais le conflit n’est pas seulement africain puisque les shebabs auraient reçu des armes directement des islamistes yéménites et des financements de monarchie du Golfe.

Les shebabs sont donc malgré tout une organisation moins puissante qu’elle n’a pu l’être par le passé mais de solides sources de revenus et un gouvernement fédéral vu comme un proxy éthiopien lui apporte une sympathie populaire et une base difficile à détruire tant qu’il n’y aura rien pour la remplacer. La décision de l’Union Européenne de réduire ses financements de 20% à l’Amisom pourrait s’avérer dangereuse quand le président kenyan appelait justement à une augmentation de la force africaine présente en Somalie.

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