Faut-il croire à une guerre civile en République Démocratique du Congo ?
Alors que le Président Kabila a reporté l’élection présidentielle prévue à la fin de cette année, nombreux sont les observateurs à penser que cela ne peut créer que désordre et dégénérer en un conflit interne. Et pourtant, sur le terrain, cette hypothèse parait hautement improbable.
Les spécialistes autoproclamés de la géopolitique africaine ont cru bon de dire que 2016 serait un tournant en Afrique Centrale. Après les combats violents au Burkina Faso et au Burundi en 2015 ayant poussé des dirigeants vers la sortie, beaucoup ont cru qu’un soi-disant « printemps africain » se poursuivrait en 2016. En effet, les deux Congo ainsi que le Gabon devaient organiser des élections présidentielles en 2016. Un de leurs points communs consiste en la présence depuis plusieurs décennies de la même famille au pouvoir (Bongo au Gabon, Kabila en RDC), ou du même homme (Sassou-Nguesso au Congo). Il apparaissait évident pour eux que la vague démocratique allait submerger l’Afrique Centrale. Il n’en est rien.
Au Congo, aux élections de mars, D. Sassou N’Guesso a été réélu dans un fauteuil, malgré des manifestations notables et des combats divers. Au Gabon, il y a fort à parier qu’Ali Bongo conservera son poste, même s’il reste décrié. En RDC, l’annonce du report des élections par le Président Kabila, prévues pour décembre, a généré des vagues de contestations. Kabila ne peut se représenter pour un nouveau mandat et il pourrait être tenté, comme Sassou N’Guesso de l’autre côté du fleuve Congo, de modifier la Constitution pour se représenter. Néanmoins, une telle tactique est très dangereuse dans un pays aux forces centrifuges et encore marqué par les guerres de la fin du XXe siècle. Ainsi, l’est du pays, notamment la région du Kivu, reste profondément instable, avec la présence de nombreuses forces paramilitaires et de mercenaires. Il est donc logique que la menace d’une guerre civile soit agitée, étant donné le passé récent du pays, ainsi que les troubles violents dans le Burundi voisin.
La rue, véritable thermomètre du futur congolais
Néanmoins, il ne faut pas s’arrêter à cette seule solution de facilité. La géopolitique africaine est bien plus complexe qu’elle en a l’air, si bien que dirigeants et principaux opposants ont compris qu’une guerre civile ne ferait qu’assombrir un peu plus le futur proche de la RDC. Ceux qui pourront changer la donne, ce ne sont pas ces politiques : ce sera la rue, notamment kinoise, qui fera ou défera le vainqueur. Cette rue a compris qu’une élection est souvent faite pour satisfaire l’ego et les ambitions personnelles des dirigeants, plus que pour améliorer le sort des citoyens. Cette rue sait que même si les opposants crient au loup et agitent le spectre de la guerre, la plupart plieront et accepteront le compromis avec le futur élu. C’est bien cela que tous ces observateurs ne comprennent guère de cette partie de l’Afrique : la défiance envers les politiques est énorme, leur impact inexistant, et surtout trop peu de citoyens sont prêts à faire ce qu’il faut pour faire réellement changer les choses, à savoir prendre les armes. Beaucoup ne veulent plus entendre parler de guerres, et semblent bien plus concernés par leur sort à très court terme que par des politiciens qui leur apparaissent si distants. Et contrairement à la fin des années 1990, où ce furent principalement les puissances étrangères qui ont décidé du sort de la RDC en matant Mobutu, ce sont les Congolais eux-mêmes qui ont bien la possibilité de penser un peu plus loin que le très court terme. A moins qu’eux aussi, comme leurs voisins de l’autre Congo, ne s’avouent vaincus avant même la bataille présidentielle…