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Rattrapage d’un été en Turquie et ses conséquences

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L’été 2016 restera dans les annales en ce qui concerne la Turquie. D’actes terroristes à un coup d’État manqué, des purges internes aux premières interventions sur le sol syrien, en passant par un revirement sur le plan international, la Turquie et son président Recep Tayyip Erdoğan auront fait couler beaucoup d’encre. Retour sur ces 80 jours qui ont marqué la Turquie.

edoganLa nuit du 15 au 16 juillet 2016, le gouvernement turc repousse une tentative de coup d’État menée par une partie de l’armée. Une soirée marquée par l’appel d’Erdoğan (via Facetime) à son peuple, pour descendre dans les rues et le défendre. Quelques heures plus tard les putschistes rendent les armes et annoncent l’échec de leur manœuvre. Rappelons que la Turquie à déjà connue trois coup d’État depuis 1960 et que les relations entre le pouvoir politique et militaire sont complexes. L’armée se présente ainsi comme garante des valeurs laïques turcs, et donc comme un potentiel contre-pouvoir politique. Une tentative de coup d’État qui n’est pas sans conséquence sur le plan intérieur puisqu’elle sera suivi de nombreuses « purges ». Un mois et demi après les faits, on dénombre 50 000 « purgés » dont près de 10 000 militaires, un quart des généraux, près de 3 000 magistrats et 15 000 professeurs évincés de leur fonction.

Redistribution des cartes ?

Un événement que va utiliser Erdoğan pour tester le soutien de ses partenaires. Dénonçant l’intellectuel Fethullah Gülen, exilé aux États-Unis, comme l’instigateur de cette tentative de putsch, le Président truc demandera à Washington son extradition, une demande qui sera laissée sans suite. Un argument pour s’en prendre aux américains, il va également critiquer ses partenaires européens qui ne le soutiendrait pas suffisamment. Conséquence, le Président turc rencontre début août son homologue Vladimir Poutine à Moscou, afin de rétablir des relations dégradées depuis le début du mois de décembre 2015 et l’affaire du Sukoï russe abattu par l’aviation turque. Un rapprochement qui s’était engagé en amont avec les excuses d’Erdoğan, mais dont l’accélération ne peut être déconnectée de son coup de colère à l’encontre des occidentaux. Si le rapprochement entre la Russie et la Turquie peut s’avérer un élément stabilisateur dans la région, que ce soit au Moyen-Orient ou dans le Caucase, notamment dans le Haut-Karabagh, certaines positions diverges toujours concernant la Syrie. Le principal désaccord entre les deux puissances concerne Bachar Al-Assad, soutenu par Moscou et qu’Ankara souhaite voir partir. De plus, si la Turquie peut jouer entre les États-Unis et la Russie, elle n’oubliera pas son appartenance à l’Otan et les États-Unis non plus. Le rapprochement Turquie/Russie n’est donc pas à prendre à la légère, mais il ne faut pas le surestimer et à défaut d’alliance parler d’une « normalisation » des relations.

Si le coup d’État a modifié la donne et renforcé Erdoğan sur le plan interne, les attentats de l’aéroport d’Istanbul et celui lors d’un mariage dans la ville de Gaziantep, proche de la frontière syrienne, a fait réagir le gouvernement turc qui a déclenché fin août une première opération sur le sol syrien. Une opération qui selon le Premier Ministre turc, Binali Yildirim vise « Daech et d’autres éléments terroristes ». Une phrase qui peut laisser penser que les Kurdes font aussi partis des cibles. La Russie et les États-Unis qui soutiennent aujourd’hui les Kurdes en Syrie et se dispute les faveurs de la Turquie, pourraient se retrouver dans une position délicate. Les deux puissances devraient ainsi choisir leur camp, dans ce cas-là et à l’instar de l’EI, il est possible que les kurdes aient beaucoup à perdre du revirement turc.

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Fabien HERBERT

Fabien Herbert est Président des Yeux Du Monde et rédacteur géopolitique pour l'association depuis mars 2016. Formé à l’Université Catholique de Louvain, Fabien Herbert est journaliste et analyste spécialisé en relations internationales. Il s’intéresse notamment au monde russophone, au Moyen-Orient et à l'Asie du Nord-Est.

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