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Espoir de courte durée en Gambie

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Le 1er décembre, le résultat des élections présidentielles a donné perdant le président sortant Yahya Jammeh. À la surprise générale, ce dernier a reconnu sa défaite immédiatement après l’annonce des résultats. En toute logique, le candidat de l’opposition, Adama Barrow, devait donc devenir le nouveau président de la Gambie. Mais les événements ont pris une toute autre allure le 10 décembre, quand Yahya Jammeh est revenu sur ses positions et annoncé qu’il ne reconnaissait pas le résultat en sa défaveur.

Fillette dans les rues de Banjul en 2013

Certains observateurs ont qualifié de « coup de tonnerre » le choix fait par Yahya Jammeh de ne pas discuter les résultats, et de s’incliner devant son adversaire.

En effet, le président est en place depuis son coup d’État contre Daouda Jawara en 1994. Depuis lors, les élections ont toujours été un simulacre de démocratie. Pendant 22 ans, Yahya Jammeh a dirigé le pays d’une main de fer. Aussi, après que le président ait reconnu sa défaite, la communauté internationale s’est empressée d’ériger la Gambie en exemple démocratique à suivre pour les régimes autoritaires africains. Mais son enthousiasme a vite été douché : il n’a fallu que dix jours au président sortant pour revenir sur ses positions et affirmer qu’il souhaitait garder le pouvoir…

Face à cette décision, le nouveau président élu Adama Barrow a, dans un premier temps, appelé le peuple gambien à manifester. Il a ensuite décidé de « calmer le jeu » en demandant à la population de « continuer ses activités habituelles ».

De nombreux défis pour Adama Barrow

Cet ancien agent immobilier de 51 ans a beaucoup de défis à relever s’il arrive à conserver sa place de président élu de la Gambie. Ce petit pays, enclavé dans le Sénégal, s’est refermé sur lui-même durant l’ère Jammeh. Les relations diplomatiques avec son voisin sénégalais, mais aussi avec la communauté internationale, doivent être rétablies. De même, il faut imaginer comment sortir le pays de la misère : le pays se classe 172e sur 184 au classement de l’indice de développement humain (IDH). Enfin, des mesures pour faire revenir la diaspora doivent également être conduites. On estime que 4% de la population a fui à l’étranger depuis l’arrivée de Jammeh.

Les jours et les semaines qui arrivent risquent d’être traversés par de fortes tensions dans tout le pays.

Les atouts de Yahya Jammeh

Cependant, trois facteurs principaux semblent jouer en faveur de Yahya Jammeh. Tout d’abord la population. Même si une grande partie souhaite le départ de Jammeh, comme l’ont prouvé les manifestations de joie qui ont accueilli sa défaite le 1er décembre, les Gambiens sont muselés par le pouvoir. Protester contre Jammeh ne sera pas une tâche facile.

Les médias nationaux, ensuite, qui sont entièrement tenus par le pouvoir. Adama Barrow n’a toujours pas eu accès à la télévision nationale depuis son élection. Son discours à la nation qu’il a tenu jeudi 8 décembre n’a pas été retransmis.

Enfin, l’élément le plus décisif est sans aucun doute l’armée. Yahya Jammeh a bien compris lintérêt de mettre les militaires de son côté pour gagner. La semaine dernière il a d’ailleurs nommé 49 nouveaux officiers à des postes clés. Cependant, certains diplomates de l’Union Africaine jugent probable une division imminente de l’armée entre les deux camps. Une partie irait rejoindre le nouveau président et une autre resterait fidèle à Yahya Jammeh.

Pour l’instant, le président sortant reste légalement à la tête de la Gambie jusqu’à la passation de pouvoir en janvier 2017. Les tensions risquent de monter crescendo jusqu’à la date officielle de fin de mandat du président. Mardi 13 décembre, quatre chefs d’États du Nigeria, du Liberia, du Ghana et de Sierra Leone se sont rendus en Gambie dans le but de convaincre le dictateur de renoncer au pouvoir.

La communauté internationale a fermement condamné le revirement de Yahya Jammeh. Mais ce dernier a déclaré que « l’intervention de puissances étrangères ne changerait rien ». Il a également ajouté qu’il ne tolérerait aucune protestation dans la rue.

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Pablo MENGUY

Ancien étudiant en école de journalisme, aujourd'hui en master à l'Institut français de Géopolitique (IFG).

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