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Vers un regain de tensions en Côte d’Ivoire ?

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Depuis le 12 mai, une nouvelle vague de mutineries secoue l’armée ivoirienne. Il s’agit du 3ème épisode de ce type depuis le début de l’année 2017. Une nouvelle fois, les mutins réclament le paiement de primes promises par le gouvernement depuis des mois mais qui se font toujours attendre. Si ces primes constituent la revendication principale des militaires, ce nouvel épisode de mutinerie est révélateur de malaises bien plus profonds au sein de l’institution.

Forces armées ivoiriennes.

Si la Côte d’Ivoire a connu un renouveau économique suite à la crise politique et militaire de 2010-2011, la chute des cours du cacao au cours des derniers mois met de nouveau le pays en difficulté économique. Le gouvernement disposant d’un budget moindre, les primes promises aux militaires n’ont pas été versées et ces derniers expriment leur mécontentement par des épisodes de mutinerie en bloquant des routes, fermant l’accès aux casernes et multipliant les tirs par armes à feu pour faire entendre leurs revendications.

Ces mutineries qui se répètent depuis janvier dernier touchent toutes les composantes de l’armée (les forces spéciales ivoiriennes, considérées comme l’élite militaire du pays ayant elles-aussi demandé le paiement de leurs primes en février). Ces épisodes s’inscrivent dans un contexte sécuritaire tendu pour le pays et la sous-région. En plus des habituels troubles frontaliers à l’Ouest avec des milices venues du Liberia et les affrontements inter-ethniques sporadiques dans le Nord, le pays a connu une attaque terroriste à Grand-Bassam en mars 2016 qui a marqué l’opinion publique et entraîné une prise de conscience et des réorganisations au sein de l’appareil militaire.

Vers une nouvelle crise politico-militaire ?

Certains observateurs internationaux se posent actuellement la question de savoir si les mutineries successives en Côte d’Ivoire ne constituent pas les prémices d’une  nouvelle crise politico-militaire dans le pays. Certains militaires mutins ont en effet, de manière anonyme, souligné qu’au-delà de la question des primes, les tensions au sein de l’armée résultaient du mécontentement de certains face à l’ascension fulgurante qu’ont connu les officiers issus des forces nouvelles (anciens rebelles ayant aidé le président Alassane Ouattara dans son combat contre l’ancien président Laurent Gbagbo) au détriment des officiers « historiques » de l’armée ivoirienne. Le clivage entre anciens partisans de Gbagbo et d’Ouattara semble donc toujours prégnant au sein des forces armées ivoiriennes.

Si les tensions demeurent vives au sein de l’institution militaire, le spectre d’une nouvelle crise politico-militaire d’ampleur semble cependant pour l’instant improbable. En effet, le mouvement actuel n’est pas comparable à celui de 2011 lorsque les deux camps irréconciliables et prêts à en découdre voulaient s’emparer du pouvoir. Les mutins sont pour le moment minoritaires et leurs revendications sont exclusivement de l’ordre financier et des conditions de vie. Par ailleurs, l’opinion publique reste marquée par les événements de 2010-2011 et s’opposerait très vivement à une nouvelle guerre civile dans le pays. Enfin, le président Ouattara dispose d’une légitimité incontestable suite à sa réélection très large en 2015 (83.66%). Néanmoins, les mutineries successives ont peut-être ouvert une brèche et soulevé quelques faiblesses au sein du pouvoir ivoirien qui a finalement consenti au paiement des primes. Faiblesses que le camp pro-Gbagbo, toujours actif en sous-main et à travers certains militaires, pourrait être tenté d’exploiter dans un futur proche.

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