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La Macédoine est-elle grecque ?

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Un rassemblement de près d’un million de personnes sur la place Syntagma a eu lieu à Athènes. La raison de cette manifestation est la dénomination du voisin, la République de Macédoine, ou Ancienne République Yougoslave de Macédoine. Une question qui fâche depuis plus de vingt cinq ans.

Des manifestations pour un nom

Manifestation de Grecs macédoniens

Depuis l’implosion de la Yougoslavie, la Grèce est en conflit avec son voisin septentrional, quant à la dénomination de ce dernier : République de Macédoine. L’utilisation de ce nom, ainsi que l’appropriation de symboles comme Alexandre le Grand ou Philippe II, sont perçus comme une appropriation du patrimoine grec par Athènes. À cela s’ajoute la crainte de revendications territoriales de la part de ce nouvel Etat sur la partie nord de la Grèce, qui porte également le nom de Macédoine. Athènes répond fermement, en bloquant notamment toute entrée macédonienne dans l’Union Européenne ou dans l’OTAN. Depuis 2017, la coalition modérée autour du parti SDSM cherche une ouverture internationale. La Macédoine s’est alors rapprochée de la Bulgarie et de la Grèce, avec un accueil plutôt favorable de la part d’Athènes.

Pourquoi la population manifeste-t-elle aujourd’hui ? Pour plusieurs raisons. Les négociations entre Athènes et Skopje se déroulent en ce moment même. Plusieurs noms possibles ont été annoncés : ceux déjà connus de Macédoine du nord, Macédoine du Vardar, ou encore Macédoine (Skopje). La Macédoine s’est dite prête à accepter un nom incluant la spécificité géographique. Le nom de l’aéroport macédonien devrait devenir Aéroport National de Skopje (et non Alexandre le Grand). Pour les plus nationalistes, c’est donc en ce moment qu’il faut rappeler au gouvernement que #MacedoniaIsGreek comme le rappelle le hashtag utilisé sur les réseaux sociaux. On peut également noter que la Grèce est dans une situation largement favorable : la Macédoine, pays enclavé, n’a pas connu de décollage économique. Celui-ci n’est pas possible sans l’aide de ses voisins. La tentative de réconciliation récente laisse donc la balle dans le camp grec. D’après les média balkaniques, une majorité de Macédoniens est prête au changement de nom. C’est une formidable opportunité pour le gouvernement grec de se positionner comme puissance régionale qui résout les crises dans les Balkans. Mais pour les Grecs nationalistes, c’est le moment de durcir les conditions. La manifestation rappelle d’ailleurs que le terme macédonien est réfuté à la fois pour l’Etat, mais également pour l’identité : les Slaves macédoniens n’ont pas le droit de s’appeler macédonien selon les nationalistes Grecs. Macédonien ne désigne qu’une province de la Grèce et ne peut être un peuple.

La Macédoine est-elle grecque ?

Pourquoi un tel blocage sur une question purement symbolique ? Principalement pour une question d’identité nationale qui a posé problème entre Slaves et Hellènes depuis plus d’un siècle.

Si Alexandre le Grand était bel et bien hellénophone, il est intéressant de noter que les Grecs le considéraient comme un barbare, comme les habitants de Macédoine en général. Cette région a connu une importante migration slave, et Théssalonique, ville byzantine, reste un référent pour les Slaves en général car c’est la ville de Cyrille et Méthode, les créateurs d’un premier alphabet dit cyrillique. D’autres symboles comme le Tsar Samoil, qui établit sa capitale en Macédoine, font de la région une zone importante dans la culture slave du sud. Sous les Ottomans, les Musulmans seront nombreux, en particulier dans les villes comme Uskub (Skopje) ou Monastir (Bitola). C’est dans cette dernière ville que se déroule la série turque Elveda Rumeli (Adieu Roumélie), nostalgique de l’Empire ottoman. Thessalonique/Selanik, la Solun slave, a été quant à elle une ville à ultra-majorité juive. La Macédoine reste donc une région importante dans l’identité de nombreuses communautés.

Avec les guerres balkaniques, la Serbie, la Bulgarie et la Grèce se partagent la Macédoine, mais une identité régionale persiste et se développe, en particulier chez les Slaves. Dès la fin des années 40, la Grèce connait une insurrection communiste, qui recrute particulièrement en Macédoine grecque. La région connait de fortes populations slaves que le gouvernement tente d’helléniser de force. Ils bénéficient du soutien de Tito, dirigeant yougoslave, qui espère réunifier une grande Macédoine au sein de son Etat, et pourquoi pas, intégrer la Bulgarie dans une fédération balkanique. L’identité même d’un peuple macédonien est ainsi perçu comme dangereux pour la Grèce. Skopje aujourd’hui n’a clairement pas les moyens, ni l’envie d’annexer la Macédoine grecque. Mais le discours nationaliste et la position de force de la Grèce laissent planer une zone d’ombre quant à la réconciliation des deux Etats.

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