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Elections présidentielles en Côte d’Ivoire (2/4) : quels enjeux nationaux, régionaux et internationaux ?

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Lors de sa dernière visite à Abidjan, en décembre 2019, Emmanuel Macron affirmait que « l’équilibre de l’économie sahélienne et des mouvements de population en Afrique de l’Ouest repose très largement sur la stabilité politique et économique de la Côte d’Ivoire. » Avec la montée des tensions et la crainte d’une nouvelle crise politico-militaire, les élections présidentielles constituent un évènement majeur qui dépasse les strictes frontières nationales. Les enjeux sont multiples de par leurs échelles et la pluralité d’acteurs impliqués. 

Les élections présidentielles, facteur de déstabilisation économique au niveau national 

Elections présidentielles en Côte d’Ivoire : quels enjeux nationaux, régionaux et internationaux ?
Les élections présidentielles en Côte d’Ivoire menacent directement l’activité économique d’Abidjan et ses nombreux acteurs internationaux impliqués.

Malgré les crises passées, la Côte d’Ivoire demeure l’une des économies les plus performantes du continent et contribue au tiers du PIB de la zone UEMOA. Avec un taux de croissance de 7,5% en 2019 et stable depuis plusieurs années, Alassane Ouattara est parvenu à regagner la confiance des investisseurs qui avaient fui en 2011 après la crise politico-militaire. Intégrée au sein d’un système financier mondialisé, la Côte d’Ivoire se finance, comme de nombreux pays d’Afrique, grâce aux puissances étrangères. Alors que la dette publique atteint 42,1% du PIB en 2020, 67% de la dette est détenue par des créanciers étrangers comme la Chine ou les Emirats Arabes Unis.

A l’approche des élections présidentielles et face aux tensions croissantes entre le RHDP et les partis d’opposition (PDCI, FPI), la méfiance des investisseurs s’est manifestée par la hausse des taux d’intérêts. Or, le fonctionnement même de l’appareil étatique (versement des salaires aux fonctionnaires, et militaires notamment) repose sur l’octroi de prêts par des créanciers étrangers. Les élections présidentielles et l’incertitude qu’elles représentent, constitue une menace directe pour l’économie ivoirienne. Les difficultés de financement font craindre des mutineries généralisées dans un pays où le potentiel de soulèvement est important et la paix sociale réversible. Seule la stabilité politique garantit la confiance des investisseurs et une dynamique économique vertueuse.

Des tensions politiques qui dépassent les frontières du pays

Premier destinataire d’investissements directs à l’étranger (IDE) dans la région, la Côte d’Ivoire représente un véritable hub économique avec un potentiel de développement considérable. 913 millions de dollars ont ainsi été investis par des puissances étrangères en Côte d’Ivoire en 2019. Une situation instable pourrait fragiliser ces investissements et reporter de nombreux chantiers d’infrastructures sino-ivoiriens prévus. L’incertitude plane de plus sur l’avenir des relations commerciales entre la Côte d’Ivoire, le Nigéria et la Chine si la situation politique venait à dégénérer.

La Côte d’Ivoire est également le premier partenaire commercial de la France dans la région, où sont implantées 650 entreprises et 200 filiales d’entreprises françaises. A trois semaines des élections présidentielles, le Gouvernement français a d’ailleurs annoncé un changement majeur. La nomination de Jean-Christophe Belliard comme Ambassadeur de France dans le pays intervient à un moment particulièrement délicat. Bien que pressenti pour remplacer Gilles Huberson, Franck Paris, le conseiller Afrique d’Emmanuel Macron, restera en poste à Paris. L’affectation de Jean-Christophe Belliard semble manifestement stratégique. Ex-directeur Afrique du Quai d’Orsay sous Laurent Fabius et proche de Jean-Yves Le Drian avec lequel il a travaillé pendant de nombreuses années, il bénéficie de toute la confiance du Gouvernement français pour faire face à une éventuelle crise.

Une crise politique en Côte d’Ivoire peut-elle affaiblir la lutte contre le terrorisme dans la région ?

Les élections présidentielles en Côte d’Ivoire constitue un véritable enjeu pour la Bande Sahélo-Saharienne (BSS). En comparaison avec de nombreux états faillis (Mali, Burkina Faso…) où les Groupes Armés Terroristes (GAT) se développent, la Côte d’Ivoire est aujourd’hui un des derniers remparts contre le terrorisme. Sa situation politique, relativement stable depuis 2015, a favorisé la coopération régionale et lui a permis de se positionner comme un acteur clé de cette lutte. Grâce à un partenariat stratégique établi avec la France, la Côte d’Ivoire accueille notamment une base opérationnelle avancée (BOA) dans le cadre de l’Opération Barkhane. Une nouvelle crise politico-militaire en Côte d’Ivoire pourrait ainsi favoriser la montée en puissance des GAT. Des évènements comme l’attaque de Kafolo en juin dernier pourraient alors se multiplier.

Le paysage politique ivoirien placé sous haute-surveillance

Face à ces différents enjeux, de nombreux acteurs régionaux et internationaux scrutent l’évolution du climat politique ivoirien local. Au niveau régional, la CEDEAO et l’Union Africaine ont missionné des groupes de travail pour veiller au bon déroulement des élections. De même, l’Union européenne et plusieurs de ses pays membres ont envoyé des observateurs au sein de la représentation permanente de l’UE à Abidjan afin de garantir « la sécurité et l’impartialité » du scrutin.

Au niveau international, une délégation du PNUD (ONU), a signé le 30 janvier un Projet d’appui au cycle électoral (PACE) avec la Commission électorale indépendante (CEI). Depuis plusieurs mois, elle doit régulièrement rendre des comptes aux instances internationales afin que les élections se déroulent de manière « pacifique, inclusive, transparente et crédible ». La persistance de tensions questionne l’efficacité de la communauté internationale et des moyens mis en oeuvre face aux enjeux que représentent les élections présidentielles.

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Laura LeBihan

Laura Le Bihan est étudiante à Dauphine en Master 2 Affaires publiques. Passionnée par la géopolitique et plus particulièrement par l’actualité du continent africain, elle a travaillé en ambassade et pour le Ministère des Armées Français en Côte d’Ivoire.

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