L’Antarctique: un continent de glaces si mal connu
Il faudrait sans aucun doute des dizaines d’articles comme celui-ci, pour prétendre esquisser un portrait du continent Antarctique. Toutefois, les récentes images d’un airbus A340 atterrissant sur les glaces australes ont fait le tour du monde [1]. Elles tendent à nous rappeler l’importance du continent blanc dans le domaine de la recherche scientifique.
L’Antarctique: un continent dédié à la recherche scientifique
Contrairement à la région polaire arctique [2], le continent blanc suscite beaucoup d’interrogations et semble méconnu par le grand public. Pourtant, il apparaît comme étant l’une des plus belles coopérations diplomatique et scientifique de notre histoire moderne. En 1959, suite à l’Année Géophysique Internationale, les Etats-Unis et l’URSS parviennent à trouver un projet d’accord international. Les Etats dits « possessionnés » (Argentine, Australie, Chili, France, Norvège, Nouvelle-Zélande et Royaume-Uni) consentent à restreindre leur souveraineté sur le continent. Cette solution envisage ainsi un gel des revendications effectuées et du contentieux international pouvant apparaître des différentes positions étatiques. Lors de son entrée en vigueur, le traité réunissait 12 États membres. Désormais, le nombre d’États parties au traité est de 54.
Le traité consacre la liberté de la recherche scientifique en son article deux. De même, l’article premier rappelle que « seules les activités pacifiques sont autorisées dans l’Antarctique »[3]. Dès lors, les Etats parties s’engagent à ne pas y mener d’activités militaires. Néanmoins, rien ne semble s’opposer à l’utilisation de matériel militaire dans le cadre de la recherche scientifique lorsque cela apparaît nécessaire. Cette coopération internationale dans le domaine scientifique est primordiale. D’une part, parce que les recherches menées permettent de comprendre les origines et l’amplitude du réchauffement climatique sur notre planète. D’autre part, car le droit international a consacré et « sanctuarisé » un espace une fois et demie plus large que l’Europe tout en respectant «les revendications de souveraineté exprimées par certaines nations» avec cet «accord de non accord»[4].
Toutefois, cette volonté des Etats de participer à cette coopération scientifique n’est pas sans cacher une intention d’assurer leur souveraineté sur le continent Antarctique.
De nouveaux témoignages de souverainetés
Le traité sur l’Antarctique gèle, pour l’heure, les revendications nouvelles sur le territoire terrestre et maritime au sud du 60e parallèle. Il convient toutefois de noter que les témoignages de souveraineté se font de plus en plus insistants par certains Etats.
« La science a été instrumentalisée par les pays possessionnés ou par ceux – les États-Unis et la Russie – se réservant le droit d’émettre des revendications territoriales. Ils ont mis en avant leurs stations permanentes en Antarctique comme une base de légitimité. »[5]
En ce domaine, on peut relever la position très agressive de la Chine. Elle opère la construction d’une cinquième base de recherches dans la mer de Ross, sans l’autorisation préalable des autres nations. Cette posture chinoise peut sembler anodine. Elle démontre cependant une réelle volonté de s’affirmer comme une puissance polaire de premier plan. Le nombre croissant d’acteurs public et privé lorgnant sur le continent blanc doit interroger les Etats parties sur la position à adopter dans le cadre des négociations pour préserver le cadre juridique posé par le Traité.
Un réel danger pour le traité sur l’Antarctique?
Les débats autour des revendications territoriales des Etats ne datent pas d’hier (en témoignent les discussions à propos des revendication sur le plateau continental suite à l’entrée en vigueur de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer)[6]. L’augmentation visible des convoitises dans le domaine de l’exploitation des matières premières ne doit pas être écartée par les Etats parties. La position de la Russie dans la recherche d’hydrocarbure et de gaz dans l’Océan austral en est un exemple frappant.
Dans le même ordre d’idée, l’échec relatif des négociations lors de la 43ème réunion consultative du traité sur l’Antarctique qui se déroulait à Paris (notamment du fait de son caractère distanciel en raison de la crise sanitaire) ou encore le manque d’ambition dans le financement de la recherche scientifique française ne sont pas des indicateurs d’une volonté de certains Etats parties de collaborer pleinement dans le cadre du traité. Autant d’éléments qui peuvent être perçus comme un affaiblissement du rôle du Traité sur l’Antarctique.
Toutefois, il convient de garder une certaine mesure dans ces propos. La situation n’est pas aussi dramatique que certains commentateurs souhaitent le faire entendre. Néanmoins, il semble aujourd’hui nécessaire de réaffirmer la volonté de protéger cet espace si mal connu du grand public.
Sources:
[1] Pour la première fois, un Airbus A340 atterrit en Antarctique, 20 Minutes, 24 novembre 2021, édition en ligne.
[2] GOJON Céline, La Russie en Arctique : pour quelle lutte d’influence ?, Les Yeux du Monde, revue en ligne, disponible ici.
[3] Traité sur l’Antarctique en date du 1er décembre 1959.
[4] CHAN-TUNG Ludovic, LAVOREL Sabine, L’Antarctique: enjeux et perspectives juridiques, Pedone, Paris, 2021, 298 pages.
[5] Propos de MERED Mikaa, L’Antarctique, objet de toutes les convoitises, National Géographic, 26 novembre 2021, édition en ligne.
[6] CHOQUET Anne, L’extension du plateau continental au large de l’Antarctique : entre volonté de ménager les susceptibilités et défendre ses intérêts, Vertigo, Hors-série 33, mars 2021, ressources numériques, disponible ici.