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Décoloniser l’aide humanitaire: une histoire de localisation

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Sous l’égide de la protection de populations, victimes de situations précaires (conflits, changement climatique, pandémies), l’histoire du système humanitaire s’est inscrite au sein d’un jeu géopolitique international. Ce système est aujourd’hui remis en cause. La question d’un Nord trop hégémonique dans sa délivrance d’aide se pose. Le droit à la participation des unités locales est également souligné, notamment en ce qui concerne la prise de décision et l’implantation de programmes d’aide internationale. 

24 transformations identifiées par l’Agenda pour l’Humanité. Photo de devanture: Aide humanitaire de l’UE en Mauritanie. Photo de  la Protection Civile et Operations d’Aide Humanitaire Européennes.

Les locaux, oubliés de l’histoire.

Les locaux, qu’il s’agisse d’autorités, d’organisations ou encore de communautés, sont les premiers sur le terrain en situation d’urgence. Ils connaissent les dynamiques en place, vont là où certains acteurs ne peuvent aller et possèdent le réseau nécessaire à l’activation de projets multidimensionnels. Ils représentent donc une véritable ressource dans le design d’opérations efficaces.

Pourtant, l’aide humanitaire s’est historiquement approvisionnée par le haut. Les ONG naquirent tout d’abord dans l’aboutissement de la Première Guerre mondiale. C’est à l’heure de la reconstruction post Seconde Guerre mondiale, néanmoins, qu’elles se multiplièrent. Représentant alors majoritairement les pays du Nord, elles s’intéressèrent au Sud dans les années 50 et 60. D’ici, naquit une géopolitique humanitaire, documentée comme propagatrice de principes démocratiques et de l’idéologie néolibérale. Au-delà de l’envie individuelle d’apporter soutien et solidarité aux personnes dans le besoin, les acteurs humanitaires devinrent alors un nouvel outil de soft power. 

 Localiser l’aide humanitaire

Dans l’après Guerre Froide, les donateurs de fonds humanitaires, comprenant certains États, adoptèrent ce que l’on appela “the New Policy Agenda”. Ainsi, s’installa une pratique internationale promouvant les principes de bonne gouvernance, de démocratie et de société civile au travers de l’aide humanitaire. Deux suppositions supportèrent cette pratique. La première soulignait alors la capacité des ONG à renforcer le processus démocratique d’un pays, au travers de la consolidation de sa société civile. La seconde présumait les ONG comme plus à même de délivrer une aide efficace, et à coût réduit, que les gouvernements. Dans les deux cas, ces hypothèses reflétèrent l’idée d’un Nord portant secours à un Sud vulnérabilisé par le conflit et la colonisation. Elles présentèrent ainsi le savoir de l’Ouest et sa perception de l’ordre politique comme supérieurs aux idées locales.  

En 2016, cette gestion de l’aide humanitaire entra officiellement dans le débat public international. Le sommet humanitaire mondial regroupa, à Istanbul, 180 pays autour de la question. Embrassant le combat d’organisations locales en demande de leadership, ce sommet installa le nouvel Agenda pour l’Humanité. De ce sommet, germèrent plus de 3500 engagements venant de représentants étatiques, de sociétés civiles et d’organisations non gouvernementales. Il y promut, entre autres, l’inclusion des locaux dans la prise de décision, la considération de leurs propres savoirs, et le renforcement de leurs capacités sur le long-terme.  

Réformer l’aide humanitaire  

Le sommet donna suite au « Grand Bargain ». Au premier juillet 2019, 61 acteurs internationaux acceptaient alors les nouvelles pratiques de travail promues par cette accord. Ensemble, ils s’engagèrent à mobiliser un milliard de dollars supplémentaire sur cinq ans, pour les demandeurs d’aide humanitaire. A l’aube de 2020, 25% des financements devaient également revenir aux intervenants locaux et nationaux.  

Aujourd’hui, la deuxième version du Grand Bargain mobilise ces mêmes acteurs dans la réforme du secteur humanitaire. Des organisations, telles que le Conseil danois pour les réfugiés, s’engagent  ainsi à localiser leur aide. Cela passe par des partenariats avec des organisations locales, par le financement de leurs activités et leur inclusion dans le processus de prise de décision. Reflétant les mots de l’ancien Secrétaire Général de l’ONU – Ban Ki-moon – Mingo Heiduk Tetsche, Cheffe d’unité chez DRC Danemark, en souligne la tenure : “Nous devons regarder la manière dont nous opérons et tenter d’agir aussi localement que possible et internationalement que nécessaire.”  

D’autres résultats sont à considérer. Certains donateurs optent désormais pour des financements flexibles, offrant l’usage rapide de fonds en temps de crise. D’autres simplifient leurs processus opérationnels et revalorise la place de l’individu au sein de chaque action. L’Allemagne, par exemple, a privilégié les financements flexibles ces dernière années. Depuis le Sommet humanitaire mondial, ils représentent en effet 37% des donations du pays, en comparaison des 11% précédemment établis. Le chemin de la localisation est encore long avant d’obtenir le complet respect du droit de chacun à influencer son propre développement, mais il est en marche. 

Sources

Maria Al-Abdeh & Champa Patel (2019) ‘Localising’ humanitarian action: reflections on delivering women’s rights-based and feminist services in an ongoing crisis, Gender & Development, 27:2, 237-252, DOI: 10.1080/13552074.2019.1615280

Glen W. Wright (2012): NGOs and Western hegemony: causes for concern and ideas for change, Development in Practice, 22:1, 123-134. http://dx.doi.org/10.1080/09614524.2012.634230

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Gabrielle FRANCK

Gabrielle FRANCK est étudiante de niveau master, poursuivant un double diplôme «International Relations and Politics and Public Administration» dans les universités partenaires Charles (Prague) et Konstanz (Allemagne).

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