ActualitésAmériqueAsie du Nord-EstAsie et OcéanieÉtats-Unis

L’alliance militaire entre la Corée du Sud et les Etats-Unis est-elle en danger ?

Shares

Depuis quelques mois maintenant, les tensions se multiplient entre les Etats-Unis et la Corée du Sud, alliés historiques, en raison d’un désaccord sur le financement de leur force conjointe. Alors que les négociations de dénucléarisation avec Pyongyang semblent stagner, cet accrochage pose des questions de sécurité régionale importantes.

Emblème de l'United States Forces Korea (USFK)
Emblème de l’United States Forces Korea (USFK)

Le traité de défense mutuelle entre les États-Unis et la République de Corée fut signé en 1953 à la suite de la guerre de Corée. Cet accord de protection mutuelle engage la responsabilité des Etats en cas d’attaque armée sur l’une des parties. Il permet également aux Etats-Unis de stationner des troupes en Corée du Sud, sur consultation du gouvernement de Séoul.  Aujourd’hui, près de 29 000 soldats américains résident sur le sol coréen[1]. De plus, le pays bénéficie du parapluie nucléaire américain. Washington compte sur le soutien de Séoul pour résoudre les nœuds sécuritaires nord-asiatiques et, en retour, Séoul a besoin de la protection américaine face à son voisin instable du Nord. Toutefois, cette alliance, conçue dans le contexte de la Guerre froide, a été mise à l’épreuve à plusieurs reprises.

Un partenariat souvent révisé

En 1998, avec l’élection, pour la première fois, du parti d’opposition en Corée du Sud, Séoul a souhaité gagner en indépendance vis-à-vis du partenaire américain. Des désaccords sur la méthode à adopter face à la Corée du Nord et sur les négociations commerciales ont alors refroidi les relations américano-sud-coréennes. En 2007, les deux pays se sont accordés pour garantir plus d’indépendance à la défense sud-coréenne. Malgré une période troublée, la Corée du Sud a maintenu son attachement et sa fidélité aux Etats-Unis. Ainsi, elle a déployé ses propres hommes aux côtés des soldats américains en Irak (2004-2008) et en Afghanistan (2001-2012), pour un contingent total de 8000 hommes.

Un nouvel accord, signé en 2007, prévoit le transfert des compétences de commandement de guerre des Etats-Unis vers la Corée du Sud, à l’issue d’une période transitoire. Néanmoins, cette échéance, devant prendre fin en 2012, a été repoussé à la demande de Séoul. En 2014, les présidents Barack Obama et Park Geun-hye décident de renoncer à une date butoir et adoptent une approche plus qualitative reposant sur un ensemble d’objectifs à atteindre tels que l’amélioration des capacités de commandement et de renseignement sud-coréennes. Leur réflexion était également guidée par l’incertitude posée par la Corée du Nord et la résilience de Séoul en cas d’attaque.

La présidence de Trump chamboule l’alliance

Sur le plan financier, les Etats-Unis ont régulièrement demandé à la Corée du Sud une participation plus importante. Ces discussions ont fait l’objet de négociations dans le cadre de l’accord sur les mesures spéciales (Special Measures Agreement – SMA). Le président Donald Trump a bousculé cette pratique en demandant à Séoul une augmentation de 400% de sa part. Celle-ci s’élève actuellement à 860 millions de dollars/an. Cette dépense couvre 40 à 45% des coûts (excluant les salaires du personnel) tels que la logistique ou les projets de construction[2]. La Corée a également investi plusieurs milliards de dollars en achat d’équipement militaire de fabrication américaine. Les exigences de l’administration Trump portent sur la prise en charge des opérations et exercices militaires effectués en dehors de la Corée du Sud, mais ayant pour objectif de défendre la péninsule.

En février 2018, les deux parties se sont accordées sur une augmentation de 8%, une décision qui n’a pas suffi à apaiser les tensions. Les nouvelles négociations accusent un retard important. En l’absence d’un accord, 9000 employés coréens de la force conjointe se trouveraient sans rémunération à partir d’avril 2020[3]. Le respect de ce délai semble d’autant plus compromis que les élections parlementaires d’avril poussent le président Moon à la prudence. En effet, si le partenariat avec les Etats-Unis est apprécié par les Sud-Coréens, une majorité de la population s’oppose à l’augmentation des dépenses militaires.

La Corée doit faire des choix stratégiques difficiles

Si les demandes du président américain paraissent déraisonnables aux yeux des négociateurs coréens, la crainte d’un abandon de la péninsule est bien présente. Alors que les relations entre Trump et Kim Jong-un sont plutôt bonnes, les Etats-Unis souhaitent concentrer leur attention sur la région indopacifique dans leur cadre de leur « pivot » stratégique. Au moment même où la Chine occupe tous les esprits en Asie de l’Est, ce désengagement inquiète les Sud-Coréens. Depuis le déploiement d’un système de défense anti-missile américain sur son territoire en 2017, la Corée du Sud subit les représailles économiques de Pékin qui craint la volonté américaine de contrer sa montée en puissance. La Corée du Sud se trouve ainsi dans une position délicate. Les tensions historiques récurrentes avec le Japon l’empêchent de former un partenariat militaire rapproché et le relatif désengagent américain la pousse à ménager la Chine, acteur régional incontournable.

La capacité des Etats-Unis et de la Corée du Sud à trouver un compromis pour maintenir une alliance solide sera déterminante pour l’avenir sécuritaire de la péninsule.

 

[1] Emma Chanlett-Avery, US-South Korea Alliance: Issues for Congress, Congressional Research service, 2019.

[2] Clint Work, Beyond North Korea: Fractures in the US-South Korea Alliance, The Diplomat, 2020.

[3] Ibid.

Shares

Clara JALABERT

Clara JALABERT est étudiante en Master International Security à l'école d'affaires internationales de Sciences Po. Elle se spécialise dans l'étude de l'Asie et des risques sécuritaires.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *