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Les implications géopolitiques de l’Initiative des trois mers

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L’Initiative des trois mers a été lancée en 2016 lors d’un sommet à Dubrovnik. Elle regroupe douze pays d’Europe Centrale et Orientale et a pour objectif de renforcer l’intégration économique entre ces pays. Ce forum revêt une dimension géopolitique importante puisqu’il vise à isoler la Russie.

Une volonté de créer un axe de coopération Nord-Sud au sein de l’Europe

L'Initiative des trois mers.
Crédits: Présidence de la Bulgarie,                 Licence:  Creative Commons Attribution 2.5 , Image non modifiée.                                       L’Initiative des trois mers est un forum qui réunit douze pays se situant entre les mers Baltique, Adriatique et Noire.

C’est sous l’impulsion de la Pologne et de la Croatie que l’initiative a été lancée en 2016. Elle vise à renforcer la coopération entre les douze états qui la composent. Ces pays sont la Pologne, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, l’Autriche, la Roumanie, la Bulgarie, la Slovénie, la Slovaquie, la Croatie et la République Tchèque. Le forum prévoit une coopération dans les secteurs de l’énergie, de l’économie, des transports mais également de la culture et de la science. Parmi les projets principaux on retrouve le projet Via Carpatia. Il s’agit de la construction d’une autoroute reliant la Lituanie à la Grèce. Le projet Via Baltica, lui, ambitionne de relier par la route l’Estonie et la Pologne. En outre, l’initiative aspire à la création d’une plateforme de télécommunication commune. Cette plateforme permettra notamment de connecter les pays entre eux via la 5G.

Une volonté d’émancipation vis-à-vis de la Russie

L’un des objectifs principaux de l’initiative est l’intégration énergétique. Une infrastructure de gaz naturel liquéfié est en cours de construction. L’infrastructure permettra d’importer du gaz en provenance de l’étranger, via la Pologne et la Croatie notamment, pour le redistribuer ensuite vers d’autres pays d’Europe Orientale. Il s’agirait essentiellement de gaz de schiste états-unien. Il faut voir dans ce projet une volonté de sortir de la dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. En effet, la plupart des douze pays membres sont aujourd’hui dépendants énergétiquement de cette dernière. L’Initiative des trois mers revêt donc un enjeu géopolitique majeur. Elle a comme objectif de sortir ses états membres d’une relation de dépendance vis-à-vis de la Russie et de la menacer économiquement. Il convient de rappeler que tous ses pays membres excepté l’Autriche ont connu l’occupation soviétique pendant la guerre froide. Ils perçoivent, pour la plupart, la Russie comme une menace pour leur sécurité.

Les États-Unis voient donc dans ce forum une opportunité de concurrencer la Russie en Europe. Les États-Unis n’ont d’ailleurs pas caché leur soutien à l’initiative. Donald Trump était présent au deuxième sommet du forum qui s’est tenu en juillet 2017. Le secrétaire d’Etat Mike Pompeo a annoncé, en février dernier, le financement de l’initiative à hauteur de 1 milliard de dollars.

L’Initiative des trois mers, le signe d’une unité ou d’une fracture européenne ?

A première vue, ce projet apparait comme un signe de renforcement de l’unité européenne. En effet, les dirigeants croates et polonais ont rappelé à plusieurs reprises que l’Initiative des trois mers s’inscrivait dans le cadre de l’Union européenne. La Commission européenne contribue d’ailleurs aux investissements et Jean-Claude Juncker était présent aux deux derniers sommets.

Cependant, l’initiative peut également être perçue comme une volonté de la part de ses membres de concurrencer les autres états de l’Union européenne. Ainsi, ce projet traduirait, en réalité, une fracture de plus en plus grande au sein de l’Union européenne entre les pays de l’Ouest et les pays de l’Est. Ce forum pourrait même renforcer cette fracture. En effet, la volonté d’isoler la Russie s’oppose aux intérêts directs de l’Allemagne. Cette dernière importe du gaz russe via le gazoduc Nord Stream. Ce gaz est crucial puisqu’il lui permet de pallier son abandon du nucléaire civil en 2011.

En outre, la forte influence qu’exercent les États-Unis dans le lancement et le financement de l’initiative peut être interprétée comme le signe de l’absence d’une politique européenne énergétique autonome.

Enfin, la Serbie pourrait voir d’un mauvais œil la mise en place de tous ces projets. Elle est proche de la Russie et pourrait, elle aussi, percevoir dans cette initiative une volonté de l’isoler. Cela repousserait encore un peu plus la date de son intégration à l’Union européenne.

Pour l’instant, il est trop tôt pour affirmer que l’Initiative des trois mers va renforcer ou affaiblir l’unité européenne. Au vu du caractère récent de forum, les possibles orientations géopolitiques sont multiples. Le prochain sommet, qui se tiendra les 19 et 20 Octobre, permettra sans doute d’en savoir plus.

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Alexis STANKEVITCH

Alexis Stankevitch, étudiant à Sciences Po Paris, est passionné par la géopolitique et les Relations Internationales et plus particulièrement par celles qui sont liées à l'Europe de l'Est, la Russie et la Turquie.

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