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Des routes de la soie plus transparentes

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En 2013, Xi Jinping annonce à Astana un projet chinois de grande ampleur : les nouvelles routes de la soie. Appelé One Belt One Road, puis Belt and Road Initiative, le projet doit aider au développement des infrastructures en Chine et à l’étranger. Toutefois, aujourd’hui, la BRI est sous le feu de nombreuses critiques, notamment en ce qui concerne l’endettement des états au profit de la Chine. À l’occasion du deuxième sommet international, Xi Jinping a tenté de rassurer les pays partenaires.

Une Chine non impérialiste ?

Le Président chinois Xi Jinping

La Chine veut se donner une image pacifique dans sa stratégie d’expansion. Elle se présente comme une puissance non-coloniale et met en avant l’aspect « gagnant-gagnant » des partenariats ou investissements qu’elle effectue. Cette posture existait avant le projet des nouvelles routes de la soie. C’est aussi un moyen de répondre aux accusations de néo-colonialisme et autres « Chinafrique », condamnations professées par les anciennes puissances coloniales. La BRI s’inscrit totalement dans ce projet. Si les routes servent à sécuriser les importations de matières premières et l’exportation des produits manufacturés chinois, c’est bien l’intérêt pour le développement mutuel et la stabilité qui sont mis en avant.

Dans un premier temps, nombre de pays émergents profitent de l’occasion. C’est le cas de pays où le gouvernement est pro-chinois, en Asie centrale ou du sud-est. D’autres acceptent plus par nécessité. Par exemple, la Grèce, en pleine crise économique, profite des investissements chinois alors que l’Europe exige l’austérité. Avant l’annonce officielle du projet BRI, Pékin obtenait des terminaux dans le port du Pirée. En retour, la Grèce a défendu certains intérêts chinois lors de débats européens. La Chine aide donc les états en crise économique, favorise la construction de grands projets pour les émergents ou pour des dictatures en quête de légitimité interne.

Vers un vent de panique

Toutefois, les populations acceptent parfois mal la présence massive d’investissements chinois, voire de migrations chinoises. Plusieurs gouvernements sont ainsi accusés de « vendre le pays à la Chine », du Kazakhstan à la Malaisie. Un événement marque particulièrement les esprits : la construction du port de Hambantota par des entreprises chinoises. L’Etat sri-lankais s’est retrouvé, à partir de 2016, dans l’incapacité de financer ce projet. Un arrangement est finalement trouvé, le port est cédé à la China Merchants Port Holdings, puis loué à la Chine pour 99 ans. Outre les contestations locales, les états eux-mêmes remettent en cause les investissements chinois. L’image non-coloniale de la Chine s’en trouve sérieusement affectée.

Plusieurs élections en Asie ont amené à des changements de politiques. Les Maldives votent en majorité contre l’autocrate pro-chinois Abdullah Yameen. Au Pakistan, le Premier ministre nouvellement élu, Imran Khan, cherche des aides financières non-chinoises – Pékin détient 30% de la dette du pays. En Malaisie, Mohammad Tun Mahathir remet en cause les projets chinois, notamment la ligne de chemin de fer de la côte est. Pékin se défend, arguant d’un parfait respect des lois. Le projet est malgré tout annulé, faute d’accord, avant qu’une solution ne soit renégociée en avril 2019. En Thaïlande, durant les élections de 2019, certains opposants à l’armée appellent à « faire une Mahathir »1 pour s’émanciper de l’influence chinoise.

Même sans changement de politique, l’inquiétude se répand. Le Kirghizstan, peuplé par six millions d’habitants, refuse l’exemption de visa aux hommes d’affaires chinois, de peur d’être envahi par le géant voisin. Au Kenya, un scénario similaire à celui de Hambantota inquiète les autorités quant à l’endettement du port de Mombasa. Dans un article d’Al Monitor, c’est le journaliste Kadri Gursel qui fait état du déficit commercial et de la dette croissante de la Turquie vis-à-vis de Pékin. Après avoir cultivé une image non-impérialiste, la Chine ressemble de plus en plus à une puissance menaçante et néo-coloniale.

Des routes de la soie plus transparentes

C’est dans ce contexte que la Chine se doit d’être rassurante. L’image non-coloniale de Pékin est durement atteinte. Cependant, la république communiste marque tout de même certaines victoires. En Malaisie, elle a réussi à sauver le projet de chemin de fer de la côte est. Mahathir, le Premier ministre malaisien, déclare même qu’il souhaite que son pays devienne un hub de la BRI. La Chine garde des soutiens en Afrique, comme l’Ethiopie, ou en Europe du Sud, notamment la Grèce ou le Portugal. Enfin, elle a  marqué des points en signant plusieurs accords avec Rome, concernant les ports de Gênes et Trieste. L’Italie est le premier état du G7 à participer à la BRI.

Les nouvelles routes de la soie restent donc un enjeu majeur de notre début de siècle. Toutefois, pour rester crédible auprès des partenaires, une plus grande transparence est nécessaire. C’est ce qu’a promis Xi Jinping lors de son discours du 26 avril au sommet de la BRI.

1 Un tweet du média chinois South China Morning Post utilise cette expression pour montrer que Mahathir sert de modèle à la Thaïlande, afin de s’émanciper de la trop grande présence chinoise. https://twitter.com/SCMPNews/status/1106779626150473728

 

Bibliographie

Holly Ellyatt, « Is Italy playing with fire when it comes to China ? », CNBC, 27 Mars 2019

Adéa Guillot, « Le port du Pirée cédé au chinois Cosco », Le Monde, 21 Janvier, 2016

Kadri Gursel, « Will China buy Turkey on the cheap ? » Al Monitor, 8 décembre 2018

Bhavan Jaipragas & Meaghan Tobin, « Is China about to ditch China for the US ? », South China Morning Post, 16 Mars 2019

Abdul Khaliq, « Is Pakistan falling into China’s debt trap ? », CADTM, 16 Avril 2018

Frédéric Lemaitre, « Xi Jinping promet des “routes de la soie“ plus transparentes », Le Monde, 27 Avril 2019

Shannon Teoh, « New East Coast Rail Link deal eases “debt trap“ concerns for Malaysia, says Mahathir », The Straits Times, 15 Avril 2019

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