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COP30: on préserve le cadre, les résultats attendront

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Accueillie par le Brésil à Belém du 10 au 22 novembre 2025, la COP30 était très attendue. Désigné hôte en 2023 lors de la COP28 à Dubaï, le Brésil de Lula, tout juste revenu sur la scène internationale après des années d’isolement climatique, avait promis un retour en force — « Brazil is back ». Pendant deux ans, le pays a entretenu l’espoir d’un sommet décisif, misant sur le charisme de son président et sur un décor hautement symbolique : l’Amazonie. Mais à l’arrivée, la COP30 n’aura guère dépassé le stade du minimum diplomatique, sauvant la face sans provoquer le sursaut espéré.

Une ambition à contre-courant

COP30 venue, Belém, Brésil.
Bâtiment de la COP30 à Belém, Brésil (Photo de IISD/ENB | Mike Muzurakis).

Depuis l’adoption de la Convention-cadre des Nations unies sur le Changement Climatique en 1992, les Conférences des Parties (COP) se succèdent avec des résultats inégaux. Si deux d’entre elles ont abouti à de véritables traités marquant des avancées majeures du droit international relatif au climat — le protocole de Kyoto et l’Accord de Paris — la plupart accouchent surtout de décisions politiques non contraignantes. Indispensables, certes, mais souvent jugées trop timides ou peu suivies d’effets. Conscient de cette fragilité, Lula avait promis une « COP de l’implémentation », qu’il voyait déjà comme « la meilleure de l’histoire ». L’ambition était élevée, portée par l’espoir d’un leadership brésilien capable de rallier une communauté internationale en perte de vitesse, dans un décor amazonien chargé de symboles.

Mais la COP30 partait avec un lourd handicap. La réélection de Donald Trump et le retrait renouvelé des États-Unis de l’Accord de Paris ont acté une réalité : pour les prochaines années, la lutte climatique se fera sans la première puissance mondiale, à la fois premier émetteur historique de gaz à effet de serre et premier producteur de pétrole. Toute décision ambitieuse sur les énergies fossiles s’en trouvait d’emblée fragilisée.

Au-delà de Washington, l’ambition globale s’est révélée décevante. En février, les États parties à l’Accord de Paris devaient soumettre leurs nouvelles contributions climatiques à l’Organisation des Nations unies (ONU). Près de 90 % d’entre eux, dont l’Union européenne, ont manqué l’échéance, illustrant la difficulté croissante à relever ces engagements cycliques. Si beaucoup (mais pas tous) ont finalement rendu leurs copies avant novembre, le rapport de l’ONU publié à la veille de la COP concluait qu’au regard des promesses actuelles (incluant celles de l’administration Biden), le monde se dirige vers un réchauffement de 2,3 à 2,5 °C d’ici la fin du siècle, bien au-delà de l’objectif de 1,5 °C fixé par l’Accord de Paris.

Une minorité de blocage persistante

Chaos diplomatique. Président de la COP30, André Corrêa do Lago.
Le président de la COP30, André Corrêa do Lago (Photo de IISD/ENB | Mike Muzurakis).

Face à ce constat, le Brésil espérait faire avancer deux feuilles de route majeures. La première devait concrétiser la sortie des énergies fossiles actée à la COP28, mais restée lettre morte lors de la COP29 en Azerbaïdjan. Soutenue par plus de 80 pays, dont l’Union européenne, elle s’est heurtée au veto du bloc Arabe mené par l’Arabie saoudite et appuyé par la Russie. La seconde, consacrée à l’arrêt de la déforestation, cherchait également à implémenter une décision précédente, cette fois de 2021, mais subissait le même sort, malgré l’urgence évidente du sujet en Amazonie. À cette coalition se sont ajoutés l’Inde et un puissant lobby agricole, omniprésent à Belém. En guise de compromis, un fonds pour les forêts tropicales, le Tropical Forest Forever Facility (TFFF), a été lancé par le Brésil et le Royaume-Uni. Un enthousiasme vite refroidi par Londres, qui a annoncé ne pas y contribuer financièrement.

Faute d’avancées sur l’atténuation, la COP30 aurait pu marquer des points sur l’adaptation au changement climatique en adoptant enfin la liste des indicateurs de suivi ayant pour but d’évaluer les efforts des États en la matière. Là encore, les négociations se sont enlisées, handicapées par un passif non résolu relatif au financement de l’action climatique pour les pays du Sud global (qui, on s’en rappelle, espéraient 1 300 milliards d’aide annuelle au lieu des 300 promis). Ce sujet, qui devait être clos l’an dernier, continuera de revenir au devant de la scène tant que les revendications des pays en développement ne seront pas abordées. Finalement, une liste d‘indicateurs tronquée fut acceptée avec l‘ambition de finir le travail dans deux ans, et une promesse de tripler le financement à l’adaptation d’ici 2035 fut faîte, bien que le chiffre à tripler reste sous silence.

On sauve le processus mais l’enraiement est là

Au final, la COP30 n’a pas tenu sa promesse de passer à l’action.  Le texte final, qui contient bien plus d’invitations que d’injonctions, ne mentionne pas les énergies fossiles et évoque à peine la déforestation — un paradoxe pour un sommet organisé au cœur de l’Amazonie. L’absence des États-Unis n’a pas suffi à provoquer un sursaut collectif ni à faire émerger un leadership chinois parfois espéré, que Pékin continue de refuser, renvoyant la responsabilité à l’Europe. Bien que la Commission européenne ambitionne ce rôle, elle sait aussi qu’elle marche sur des œufs, fragilisée par les récents résultats électoraux et la crainte d’un rejet écologique au sein des sociétés européennes.

Dix ans après l’Accord de Paris et malgré des avancées certaines, l’urgence climatique est pourtant plus manifeste que jamais. L’année 2025 a marqué le franchissement du premier point de bascule planétaire avec le déclin irréversible des récifs coralliens, et la confirmation que le dépassement — au moins temporaire — du seuil de 1,5 °C est désormais inévitable. Dans ce contexte, le retrait américain et les blocages persistants nourrissent un pessimisme sur l’enraiement du processus onusien. L’emplacement de la prochaine COP a déjà l’objet d’intenses disputes entre la Turquie et l’Australie, qui se sont disputées la présidence jusqu’à la dernière minute. Un compromis inédit fut trouvé en situant la COP31 en Turquie, mais sous présidence australienne. L’on espère que cette dualité n’entravera pas le travail vital de coordination de la présidence. En attendant, la Colombie et les Pays-Bas ont annoncé le lancement d’une « contre-COP », destinée à fédérer une coalition d’États volontaires prêts à avancer sans être freinés par le cheval de Troie russo-saoudien.

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