Tensions entre l’Australie et l’Indonésie sur fond de lutte contre l’immigration ?
Le premier ministre australien, Kevin Rudd, a fortement critiqué le leader de l’opposition, Tony Abbot (photo ci-dessous), pour sa proposition d’utiliser la marine de guerre australienne afin de refouler les boat people indonésiens. Selon le premier ministre, une telle mesure serait une source potentielle de conflit armé avec l’Indonésie.
L’immigration est un sujet politique brûlant en Australie. Ce pays-continent est encore dans une large mesure « vide » (il n’a que 22,7 millions d’habitants), alors même que sa prospérité ne cesse de s’accroitre (belle croissance du PIB de 3,3% en 2012, 2,3% prévus pour 2013, tirée par sa proximité géographique avec les émergents asiatiques et par son secteur minier florissant)… Parallèlement, il a pour voisin des pays (au premier rang desquels l’Indonésie) qui, bien qu’émergents, affichent des taux de pauvreté encore très élevés.
Conséquence naturelle, une immigration importante et très mal perçue par toute une frange de la population australienne. La législation de ce pays sur le sujet se durcit constamment, avec notamment une mesure récente mettant en place l’internement des immigrants illégaux dans des camps de détention offshore. Notons une triste similitude entre l’Europe et l’Australie : quand les africains meurent durant la traversée de la méditerranée, les indonésiens périssent en tentant de rejoindre Christmas Island, le point du territoire australien le plus proche des côtes indonésiennes. On estime qu’ils sont plus de 600 depuis fin 2009, noyés durant leur périple.
Si M. Rudd a fait cette réflexion, c’est que le gouvernement indonésien avait déjà clairement signifié qu’il n’accepterait en aucun cas des retours forcés (organisés par l’Australie) de ses ressortissants sur son territoire.
Véritable tension géopolitique ? On n’en est pas encore là. La force des propos du premier ministre australien s’explique plus par le contexte politique interne à l’Australie.
En effet, Kevin Rudd, après une sorte de « putsch électoral» au sein du parti travailliste au pouvoir, vient de remplacer Julia Gillard (qui avait déjà « pris la place » en 2010 de M. Rudd, alors accusé de comportements autoritaires dans sa gestion du pays et de ses ministres…). Si Mme Gillard a été mise à l’écart par son parti, c’est que les travaillistes veulent éviter le désastre annoncé pour les prochaines élections. Le parti travailliste est donné très en retard sur la coalition Libérale-Nationale de M. Abbot dans les sondages, un état de fait que Mme Gillard n’a pas pu changer quand elle était en poste.
Dans ce contexte, il faut plus analyser le sujet comme une passe d’arme entre un Tony Abbot se saisissant (non sans un certain populisme) de thèmes brûlants et un Kevin Rudd aux abois devant redresser son parti et contraint de sur-réagir aux déclarations de son concurrent.
Ne négligeons néanmoins pas la question en elle-même, car elle est une pomme de discorde bien réelle entre Australie et Indonésie. Néanmoins, compte tenu de l’ampleur des interdépendances économiques (mutuellement bénéfiques) entre les deux pays, il n’est pas sérieux de parler de risque de conflit armé.