Hong Kong, la révolution des parapluies
Située dans le delta de la rivière des Perles, Hong Kong est aujourd’hui la mégapole la plus riche de Chine. Au cœur de la zone économique la plus dynamique du pays depuis le programme de réforme engagé par Deng Xiaoping en 1979, l’ancienne colonie britannique, rétrocédée à la République populaire de Chine en 1997, est devenue la troisième place financière mondiale – en compétition avec Singapour – après New York et Londres. Hong Kong est aujourd’hui dotée d’une économique ultralibérale mais reste dominée par un système politique pré-démocratique largement contrôlé par Pékin. Les grèves étudiantes débutées le 23 septembre suivies du lancement du mouvement « Occupy Central » réclament la démission de l’actuel chef de l’exécutif, Leung Chun-ying, ainsi que l’établissement d’un régime véritablement démocratique.
Les manifestations à Hong Kong constituent un véritable défi pour le gouvernement central chinois. Xi Jinping, l’actuel président de la République populaire de Chine, se retrouve face à un dilemme. D’une part, il ne peut plus se permettre une répression massive comme en 1989 place Tienanmen. Vingt-cinq ans se sont écoulés entre ce qui fut commis dans l’ombre et ce qui serait aujourd’hui inacceptable devant les caméras du monde entier. Le formidable essor économique du géant asiatique a engendré une mutation des technologies de la communication. Ni la censure ni la propagande n’empêchent la diffusion de l’information au demi-milliard d’internautes chinois qui y accède quotidiennement. Les mentalités évoluent à mesure que les Chinois s’enrichissent et s’instruisent. D’autre part, la direction du parti communiste chinois ne peut pas non plus se permettre de créer un précédent en acceptant l’ensemble des revendications hongkongaises concernant la démocratisation du régime de la presqu’île. La peur de la contagion libertaire demeure donc omniprésente dans la capitale extrême-orientale.
À l’échelle régionale, les relations entre la Chine et Taiwan sont conditionnées par l’attitude de Pékin à l’égard du peuple hongkongais. En effet, si Pékin ne tient pas sa promesse en permettant un scrutin universel direct lors des prochaines élections à Hong Kong en 2017, Xi Jinping apparaîtra comme un interlocuteur indigne de confiance. En outre, le laboratoire hongkongais de la formule « Un pays, deux systèmes » sonnerait si creux qu’elle ne constituerait plus un horizon crédible en vue d’un hypothétique rapprochement sino-taiwanais.
La direction pékinoise misera-t-elle sur la stratégie du pourrissement de la situation à Hong Kong ?
Ce serait un pari risqué car la non-gestion comme la répression massive affaibliraient son rayonnement régionale et son attractivité mondiale. Le soft power chinois serait alors considérablement réduit. L’intervention policière, pour le moment cantonnée à l’emploi de gaz lacrymogènes, s’est révélée contreproductive : les manifestants se sont protégés grâce à leurs parapluies. Cet affrontement mineur, relayé et amplifié par la sphère médiatique, a alors débouché sur la naissance de la « révolution des parapluies ». De fait, le temps ne joue pas en faveur du régime communiste chinois qui s’arqueboute sur son trône pour freiner l’inexorable démocratisation de la société civile chinoise.
Il est fort probable que Pékin joue la carte de sa nouvelle politique anti-corruption pour éliminer le désormais gênant Leung Chun-ying et ainsi apaiser en partie les foules. L’adoption de cette politique récente et la mission environnementale que s’est donnée l’administration Jinping reflètent en creux l’influence croissante de l’opinion publique chinoise sur le régime et ses décisions. Somme toute, il semble que le PCC assimile progressivement, à défaut de l’accepter, une vérité vertigineuse : ses intérêts et ceux de la Chine d’aujourd’hui divergent.