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Hong Kong dans la tourmente des manifestations

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Hong Kong, « le monstre sacré de l’univers », selon l’expression de Joseph Kessel, fait face à des manifestations massives. Celle de dimanche 16 juin fut la plus grande de l’histoire de la ville, rassemblant deux millions de manifestants, soit près d’un quart de la population. Si la contestation visait à l’origine le projet de loi d’extradition, ses requêtes et ses membres s’élargissent, mettant Pékin sous pression.

Hong Kong dans la tourmente des manifestations
Dimanche 9 juin, la première manifestation contre la loi d’extradition a rassemblé un million de Hongkongais.

Un legs de l’histoire

En 1842, à la suite de la première guerre de l’opium, l’Empire britannique s’empare de Hong Kong. Après une deuxième guerre, Pékin accorde au Royaume Uni en 1898 un bail de 99 ans sur Hong Kong. Durant cette période, la ville se libéralise amplement. En 1984, à la suite d’un accord entre Margaret Thatcher et Deng Xiaoping, la rétrocession de Hong Kong en 1997 est acceptée par le gouvernement britannique à condition que la ville bénéficie d’une période de transition de cinquante ans au cours de laquelle elle continuerait de posséder son statut spécial. Depuis 1997, selon le principe « un pays deux systèmes », la cité hongkongaise appartient administrativement à la Chine mais dispose de son autonomie économique, monétaire, politique et judiciaire – domaines dans lesquels elle est bien plus libérale que l’Empire du milieu. Néanmoins, la Chine resserre son emprise sur la ville, en particulier depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping en 2012. La population s’y oppose avec véhémence comme en témoignent les manifestations des parapluies en 2014.

Xi Jinping affaibli par un texte de loi

Dimanche 9 juin, se tient une première manifestation à l’encontre d’un projet de loi d’extradition. Il aurait notamment permis les extraditions vers la Chine. La manifestation a rassemblé un million de personne soit un septième de la population. Il s’agit d’un événement d’ampleur inégalée depuis les événements de Tian’anmen en 1989. Mercredi 12 juin, un nouveau rassemblement est réprimé dans la violence et 80 personnes sont blessées. Loin de ralentir la contestation, elle s’en trouve renforcée et élargie. Violences policières et démission de Carrie Lam s’ajoutent à présent à son réquisitoire. En acceptant, samedi 15 juin, le retrait du projet de loi, Xi Jinping réalise une marche arrière inédite. Même si le risque semble limité, la perspective d’une « révolution de couleur » n’est pas à exclure. Elle invite le dirigeant chinois, déjà fragilisé par la guerre commerciale avec les Etats-Unis, à la prudence. D’autant plus que la crise atteint le secteur financier et celui des services pour lesquels Hong Kong demeure un épicentre. Surtout, l’importance de la Zone Administrative Spéciale (ZAS) hongkongaise dans la mondialisation lui offre une visibilité remarquable à l’échelle internationale.

Un retour d’Hong Kong au centre de la politique chinoise ?

Depuis 1990, Hong-Kong est le lieu d’expérimentation de la politique chinoise. Pourtant, son poids dans l’économie de la Chine étant passé de 18% à 3% aujourd’hui et le projet OBOR des routes de la soie entrepris par Xi Jinping semblait affaiblir son importance. De fait, ce projet favorise l’industrie aux services et est essentiellement axé vers l’ouest de la Chine. Les événements récents, qui mettent en exergue une expérimentation du sharp power (pouvoir de nuisance) chinois, pourraient cependant redonner à Hong Kong son rôle d’élaboration d’idées pour l’avenir chinois. Pékin a récemment renommé la région du Delta de la rivière des perles « région de la grande baie de Guangdong-Hong Kong-Macao ». Cela traduit la volonté d’intégrer Hong-Kong à l’ensemble de la région et, plus largement, à la Chine. Si l’absorption économique semble inévitable, la montée en puissance d’une jeunesse pro-démocratie en politique, met à mal les tentatives autoritaires chinoises. Joshua Wong, icône des manifestations des parapluies de 2014, en est un instigateur principal. Néanmoins, comme l’affirme Philippe Le Corre, « la population de Hong Kong a gagné une bataille, elle sait qu’il lui sera difficile de gagner la guerre ».

Sources

https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/06/17/la-population-de-hongkong-a-gagne-une-bataille-elle-sait-qu-il-lui-sera-difficile-de-gagner-la-guerre_5477424_3232.html

https://www.franceculture.fr/emissions/les-enjeux-internationaux/chine-hong-kong-un-pays-toujours-deux-systemes

https://www.economist.com/leaders/2019/06/13/the-rule-of-law-in-hong-kong

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Noémie GELIS

est étudiante à HEC après une classe préparatoire à Pierre de Fermat.

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