Changement de politique militaire au Japon : un tournant dans les relations diplomatiques en Asie
Aujourd’hui vendredi 17 décembre le Japon a annoncé sa décision de renforcer ses capacités de défense dans les îles méridionales, dans le but évident de contrer la Chine, puissance militaire montante dans la région. Ce document, Directive sur le programme de la défense nationale pour les dix prochaines années, adopté par le gouvernement nippon PDJ (centre-gauche) marque une rupture majeure dans les relations diplomatiques en Asie du Nord-Est. Dénonçant la Corée du Nord comme principale menace et ennemi, il indique également que les Forces Armées de Défense (FAD) vont se concentrer sur la surveillance des îles revendiquées par la Chine et le Japon (grâce notamment à une augmentation du nombre de sous-marins, de missiles anti-missiles et l’arrivée de destroyers nouvelle génération). Il s’agit en effet de contrer la modernisation militaire chinoise ainsi que l’intensification de ses activités militaires. Le Japon montre ainsi son voisin chinois comme une menace militaire potentielle pour l’Asie mais aussi par extension pour la communauté internationale dans son ensemble. La réponse des responsables politiques et diplomatiques chinois n’a d’ailleurs pas tardé : ils accusent le Japon de « faire des commentaires irresponsables sur le développement de la Chine ». Réponse classique de la Chine à toutes les attaques, surtout quand celles-ci concernent le manque de transparence de ses activités.
La réduction du dispositif hérité de la guerre froide et la concentration des effectifs sur la surveillance maritimes et la défense anti-missiles à venir fait suite à la crise diplomatique de cet automne : la collision d’un chalutier chinois avec deux navires des gardes-côtes japonais près d’îlots sous le contrôle du Japon, mais revendiqués par la Chine et par Taïwan. On aurait d’ailleurs pu considérer cette crise comme un conflit désuet autour d’une question de souveraineté westphalienne révolue au temps de la mondialisation. Il faut pourtant comprendre qu’au delà de la question des poissons et des hydrocarbures, le Japon a tout intérêt à protéger ces îles qui ont fait partie de la sphère maritime chinoise pendant au moins deux siècles et qui ont été annexées par lui en 1895 pendant la guerre sino-japonaise, grand basculement de pouvoir en Asie ayant mené la Chine à perdre Taïwan.
La crise diplomatique actuelle constitue donc bien un tournant historique : le changement de l’équilibre du pouvoir entre la Chine et le Japon est devenu visible. Les relations intensément interdépendantes mais progressivement asymétriques entre les deux pays montrent en effet la faiblesse des institutions régionales en Asie du Nord-Est, qui plus est dans une période de transition dans le jeu des puissances et compte-tenu d’un lourd passé historique encore mal digéré. Le Japon s’engage donc à son tour (et de nouveau) sur la voie dangereuse du nationalisme au lieu d’engager un processus de rapprochement comme l’avait promis le PDJ à son arrivée au pouvoir en septembre 2009 ; jeu auquel il a toutes les chances de sortir perdant…