L’euro, cette monnaie sinistrée
Dans l’histoire monétaire, la situation actuelle ressemble à du quasi jamais-vu : alors que la plupart des pays ayant pour monnaie l’euro traversent la pire période économique de leur histoire contemporaine, la monnaie unique demeure forte et surévaluée.
La distinction entre marchés financiers et économie réelle a fait semblant d’être dévoilée depuis la grave crise enclenchée en 2008. Ce clivage est encore percutant à ce jour dans le cas de la zone euro : alors que bon nombre de financiers ont décrété que la crise de l’euro était quasiment terminée, les économies européennes demeurent en plein marasme pour encore de nombreux mois. Le Consensus Forecast, qui rassemble les prévisions macroéconomiques de plus de vingt départements de recherche économique de par le monde, est unanime sur le fait que 2013 sera encore une année de récession pour la zone au global.
Certes, les institutions européennes sont sorties de leur coma pour proposer certains ingrédients de sortie de crise depuis l’été 2012, tels que les OMT, ces programmes de rachat des dettes souveraines. Elles ont donc rassuré les marchés, avec des mesures qui, en réalité, ne permettront pas durablement de sortir la zone de la crise. Depuis lors, l’euro s’est apprécié vis-à-vis de la plupart des autres monnaies fortes de ce monde.
L’Europe et sa naïveté éclatent encore une fois au grand jour
La principale conséquence d’une telle appréciation sera de repousser la reprise attendue de l’économie européenne, les secteurs exportateurs du continent étant pénalisés par la monnaie forte. Ce constat sera exacerbé à l’heure où la plupart des autres grands pays de ce monde optent pour des mesures commerciales plus protectionnistes et, pour certains, pratiquent des politiques monétaires volontaristes afin de faire baisser leurs devises, comme le Japon.
Cette opposition cinglante entre un continent européen donnant l’impression de ne plus contrôler grand-chose dans la mondialisation et le reste des grandes économies avancées et émergentes agite volontiers le spectre d’un euroscepticisme (voire d’une europhobie) renforcé au sein des 17 pays de la zone. Alors que les mesures d’ajustement budgétaire (expression langue de bois pour parler en réalité d’austérité) se multiplient en périphérie et même au cœur de la zone euro, beaucoup se demandent si les peuples pourront supporter cette situation très longtemps.