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L’Union Européenne est-elle un modèle fédéral?

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Depuis le début de la construction européenne, les héros fédéralistes (Delors, Monnet, Schuman) s’opposent aux chantres de l’Europe des Etats (De Gaulle, Thatcher). Les premiers valorisent l’intégration, l’extension du droit communautaire, la méthode Monnet et le rôle de la Commission et du Parlement alors que les seconds rêvent d’une Europe agissant sous le contrôle des Etats qui bornent les compétences communautaires par le Conseil. Les débats entre ces deux camps ont sans cesse jalonné l’histoire de la construction européenne et ne sont pas encore tranchés aujourd’hui.

L’Union Européenne semble se comporter aujourd’hui comme une fédération d’Etats. La Commission européenne est un organe supranational qui dispose du monopole de proposition, mais ne dispose pas de pouvoir de décision, dévolu au Conseil des Ministres qui vote les propositions de la Commission, dans la majorité des cas à la majorité relative. Depuis l’Acte Unique, ce vote correspond à un trait fédéral majeur de l’Union puisque des Etats opposés à un texte se voient contraints de l’appliquer s’il a été adopté. Par transferts de compétence, l’UE dispose de responsabilités exclusives dans ce qui a trait à la vie économique (organisation du grand marché, politique commerciale à l’égard d’un pays tiers, politique monétaire, concurrence, …). Le système assure l’équilibre entre les agents de l’intérêt européen (Commission dotée du monopole de l’initiative, Assemblée élue au SUD disposant d’un pouvoir de codécision) et des institutions représentatives des Etats (le Conseil Européen et le Conseil). Plus important encore, le droit communautaire prime sur les normes internes des Etats membres : une Cour de Justice tranche les conflits entre ces deux mesures du droit. Enfin, le traité de Maastricht a instauré une citoyenneté de l’Union qui ajoute des droits politiques aux citoyens : chaque citoyen peut voter pour élire ses représentants au Parlement européen.

Toutefois, l’Union ne saurait être considérée comme un Etat fédéral car les Etats demeurent omniprésents. Les Etats membres conservent leur capacité à agir comme sujet de droit international. L’Union repose sur un ensemble de traités qu’il est impossible de modifier sans l’unanimité des Etats et la citoyenneté européenne s’ajoute aux citoyennetés nationales sans les remplacer. Elle n’est pas fédérale également par manque de moyens : L’Union Européenne est dépourvue de moyens de coercition (policiers, pompiers, militaires) et de services sociaux ou éducatifs (personnel de santé, enseignants). L’administration est réduite. Le budget de l’UE ne représente qu’1,12% du RNB européen en 2012 et ne représente que 40% du budget de la France pour 490 millions d’européens. Ce manque de fédéralisme a d’ailleurs été une racine de la crise des dettes européenne : l’hétérogénéité des pays a entraîné des prêts à taux bas du Nord pour financer l’endettement des pays du Sud.

Aujourd’hui, l’Union a opté pour un « fédéralisme à l’envers » car les fédérations classiques se sont plutôt construites autour d’une centralisation de la défense et de la politique étrangère alors que l’Union Européenne élude ces questions. C’est un « OPNI » (Delors), un modèle politique expérimental qui doit aller de l’avant tout en revenant, parfois, sur ses pas.

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