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Bâtir une armée européenne (2/2)

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Dans un précédent article, nous avons abordé sous un angle historique la question de la construction d’une armée européenne. Cette question réémerge dans un contexte international pour le moins troublé. L’Union européenne et son voisinage connaissent des crises et des guerres (crise russo-ukrainienne, guerre civile syrienne, attentats terroristes, guerre civile en Libye, conflit sahélien)  qui posent un véritable défi aux membres de l’UE. Comment l’UE peut-elle être entendue et respectée sur la scène internationale, comment peut-elle défendre ses intérêts, sans une armée digne de ce nom ?

L'Agence européenne de défense, un des principaux moteurs de la construction d'une Europe de la défense
L’Agence européenne de défense, un des principaux moteurs de la construction d’une Europe de la défense

Pourquoi bâtir une armée européenne ?

Une armée européenne constituerait un signal fort donné par l’UE au monde entier. Elle renforcerait la diplomatie continentale et lui conférerait une audibilité augmentée face à ses interlocuteurs étrangers. Une armée commune faciliterait la réponse aux menaces globales et à celles visant un État membre ou voisin. En effet, en 2003, Javier Solana alors Haut-Représentant présentait au Conseil européen la stratégie européenne de sécurité. Cinq menaces majeures pour l’Europe y était identifiées : le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive, les conflits régionaux, la déliquescence des États et la criminalité organisée. Une armée commune aurait également un effet dissuasif face à certains États développant une politique de puissance expansive à l’instar de la Russie. Enfin, une armée européenne favoriserait des économies d’échelle, essentielles pour résoudre l’équation stratégique actuelle marquée par des contraintes budgétaires, une persistance voire une augmentation des risques et des menaces ainsi qu’un désengagement américain relatif du continent européen. L’Agence européenne de défense en serait un outil indispensable. Créée en 2004, elle a pour objectif de renforcer la coopération intra-européenne, stimuler la R&D dans le domaine de la défense, améliorer et augmenter la base industrielle et technologique de défense et contribuer à l’émergence d’un marché commun de l’armement.

Les obstacles à l’armée européenne

Plusieurs obstacles se dressent face au projet d’armée européenne. L’OTAN reste le garant de la sécurité du continent et ce depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ses moyens budgétaires, humains et son armement sont de très loin supérieurs à ceux de l’appareil de défense de Bruxelles. L’intégration économique est bien plus facile à réaliser puisqu’elle touche moins le cœur de la souveraineté des États que la défense, considérée comme vitale et stratégique. En France par exemple, le Président de la République est à la fois chef d’État et chef des armées françaises. Les divergences entre États membres de langues, de matériels, de doctrines d’emploi des forces, de priorités stratégiques et l’absence de consensus politique sur le sujet forment des freins puissants limitant pour l’instant l’intégration d’une armée européenne. Face à l’essoufflement des démarches laborieuses en matière de défense dans les grandes enceintes multilatérales comme l’UE ou l’OTAN, les États européens préfèrent fréquemment bâtir des coopérations bilatérales voire minilatérales (comprenant un groupe restreint de pays).

Conclusion : l’horizon lointain et incertain de l’armée européenne

L’Union européenne est encore loin de posséder une armée digne de ce nom. Par défaut, elle aspire à démontrer ses capacités civilo-militaires en multipliant les opérations : missions de formation militaire, actions conjointes de désarmement, missions de prévention des conflits et de maintien de la paix, opérations militaires, gestion de crise et stabilisation post-conflit. L’UE déploie un « hyper soft power » en charge d’exporter la sécurité à ses marges faute de se munir d’un hard power, véritable outil de sécurisation du continent européen. L’UE demeure sous parapluie otanien tandis que la sécurité reste pensée comme nationale en Europe et est donc du ressort des États souverains.

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Rémy SABATHIE

Secrétaire général et rédacteur géopolitique pour Les Yeux du Monde, Rémy Sabathié est analyste en stratégie internationale et en cybercriminalité. Il est diplômé de géopolitique, de géoéconomie et d’intelligence stratégique.

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