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Les drones militaires français à l’horizon 2020 (2/2)

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Le mercredi 18 mai 2016, l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire (IRSEM) et le Collège d’enseignement supérieur de l’Armée de terre (CESAT) organisaient un colloque intitulé : « Quels drones pour quels usages à l’horizon 2020 ? ». Dans une première partie, nous avons dressé un aperçu de l’intérêt des drones et des besoins opérationnels des armées françaises. Désormais, attachons-nous à expliciter les principales limites et les risques quant à l’usage des drones militaires.

Le drone européen nEUROn et l'avion de combat français Rafale
Le drone européen nEUROn et l’avion de combat français Rafale

La première limite des drones concerne leur usage : quelles missions donner aux drones ? Quelles zones surveiller et quelles réponses apporter ? Ainsi, l’utilisation des drones pour surveiller le territoire français a déjà commencé. En effet, si aujourd’hui environ 95 % des missions requérant un drone concernent les opérations extérieures, les 5 % restants comprennent des vols dans le ciel de France. Ces missions ont lieu le plus souvent durant de grands événements comme l’organisation du G8 à Deauville et du G20 à Cannes en 2011. Ce sera également le cas lors de l’Euro 2016 de football.

L’usage des drones en France lance 3 défis aux autorités. Premièrement, des difficultés concernant la coordination du trafic aérien peuvent apparaître (environ 10 000 aéronefs circulent chaque jour en France). Ensuite, ce sont les moyens de l’armée qui constituent une limite, aussi bien en termes d’équipements (nombre de drones et d’installations) que de ressources humaines ; l’ensemble étant proche du point de saturation étant donné le nombre d’Opex* en cours et l’opération Sentinelle sur le territoire français. Enfin, cela lance un défi aux autorités françaises en matière de coordination interministérielle et de contraintes réglementaires. Toutefois, la France s’est dotée en 2007 du centre national des opérations aériennes (CNOA) sous la houlette du Premier ministre (donc interministériel). Il s’agit du centre névralgique de la défense aérienne française. En outre, la France possède une double circulation (civile et militaire) ce qui n’est pas le cas d’autres pays européens, bloqués en termes réglementaires.

Une multiplicité de limites et de risques inhérents à l’usage des drones

Plus généralement, l’apport informationnel des drones est si précieux qu’il existe un risque de dépendance accrue des armées aux drones et à leurs capacités d’acquisition de renseignement. En outre, ce phénomène de dépendance est accentué par la révolution de l’imagerie en temps réel (après avoir été longtemps en temps différé). D’autres risques et limites concernent le drone lui-même. En effet, celui-ci est soumis aux aléas météorologiques : sa vitesse étant lente pour préserver son endurance, il est préférable de faire voler le drone par temps clair. En outre, le drone est vulnérable sur le plan des cyberattaques et a donc besoin d’une supériorité cybernétique pour être déployé sur le terrain de l’ennemi. Par exemple, un drone américain de type Reaper a ainsi été piraté durant un vol en Irak. Sur le plan des contre-mesures radar, les drones sont aussi très vulnérables ce qui implique de posséder une suprématie aérienne pour faire voler ses drones. Actuellement en Opex, la France jouit de cette suprématie aérienne ce qui lui facilite grandement la tâche mais cela pourrait changer à l’horizon 2030-2035. Le formidable atout des drones et le sentiment d’omnipotence qu’ils confèrent pourraient alors se métamorphoser en faiblesse.

Hormis le fait de ne pas exposer physiquement leur pilote, les drones ont jusqu’à maintenant un avantage majeur sur les avions de combat : leur prix modéré. Cependant, les futurs drones technologiquement les plus aboutis, à l’image du démonstrateur européen nEUROn, seront quant à eux bien plus chers que les drones actuels et pèseront davantage sur les budgets de défense. Face à une technologie de plus en plus onéreuse, la première limite sera sans doute la limite budgétaire. Enfin, la dernière limite envisagée ici, et non la moindre, est la limite éthique. En effet, la robotisation avancée des forces armées risque un jour d’aboutir à l’exclusion de l’humain du champ de bataille pour le remplacer par des machines autonomes. Ainsi, un drone muni d’une intelligence artificielle pourrait être capable, seul, de cibler et d’ouvrir le feu sur un humain.

*Opex : opérations extérieures

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Rémy SABATHIE

Secrétaire général et rédacteur géopolitique pour Les Yeux du Monde, Rémy Sabathié est analyste en stratégie internationale et en cybercriminalité. Il est diplômé de géopolitique, de géoéconomie et d’intelligence stratégique.

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