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Le Brexit affaiblit-il vraiment l’Europe face à la Russie ?

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Nous avons beaucoup insisté sur les défis internes, notamment économiques, que le Brexit fait peser sur l’Union Européenne (UE). Le rôle diplomatique et politique de l’Union, notamment dans le contexte actuel tendu avec la Russie, pourrait également évoluer, sans que l’on sache, pour le moment, si cela implique plus d’ouverture vis-à-vis du voisin russe.

V. Poutine peut-il se féliciter du Brexit ? Oui, si cela n'assomme pas définitivement le projet européen...
V. Poutine peut-il se féliciter du Brexit ? Oui, si cela n’assomme pas définitivement le projet européen…

Avec le départ britannique, l’UE perd probablement son représentant le plus proche des Etats-Unis et de l’OTAN. Depuis plusieurs années, l’UE a cessé de penser à développer une « Europe de la défense », se réfugiant derrière l’OTAN comme seul pare-feu contre d’éventuelles menaces extérieures. Depuis 2014, le Royaume-Uni était le porte-voix américain en Europe concernant des mesures de rétorsion vis-à-vis de la Russie suite à la prise de la Crimée. Ainsi on pourrait tout à fait penser que l’influence américaine diminue en Europe avec le départ des Britanniques.

Le Royaume-Uni va très probablement renforcer son implication dans l’OTAN (sauf si son budget ne le permet plus en cas de crise post-Brexit) et privilégier les relations bilatérales avec les grands pays de l’UE dans la gestion de la politique extérieure. Côté européen, et comme la prolongation des sanctions vis-à-vis de la Russie jusqu’en 2017 le montre, la position restera inchangée, au moins à court terme : la Russie ne peut être considérée comme un allié objectif de l’Union. Pour les européistes convaincus, Poutine cherche aussi souvent que possible à saborder le projet européen, en soutenant notamment les partis europhobes. Cette stratégie vise probablement à terme à refonder des alliances bilatérales durables avec l’Europe de l’Ouest, mais n’aura aucun impact sur l’influence de l’OTAN sur le continent. Or, c’est bien l’OTAN qui constitue la menace la plus sévère pour la Russie en Europe.

Plus d’ouverture sur la Russie ne signifie pas perte d’influence, bien au contraire…

Le Brexit offre de nouvelles perspectives pour les Européens et les Russes. Avec le désaccord massif sur le fonctionnement de l’Union exprimé par une majorité de Britanniques, il a été démontré que ce rejet est partagé au-delà des seuls extrêmes, ce qui peut laisser penser que certaines couches sociales européennes aient des affinités plus proches de celles de Poutine que de celles de l’establishment européen. Cela sert parfaitement la « guerre hybride » de Poutine, subtil mélange de hard et de soft power, comme à l’époque de l’URSS. De toute manière, une Europe divisée sert sa cause, car certains pays, voyant l’UE devenir chaque jour moins puissante, pourraient raffermir leurs liens avec Moscou. De son côté, l’Europe pourrait enfin se montrer moins atlantiste et commencer à ouvrir la porte à la Russie. Cela ne se fera pas de bloc à bloc (comme le renouvellement des sanctions le montre), mais plutôt bilatéralement. Nul doute qu’une Angela Merkel saisisse la balle au bond d’ici quelques mois, notamment en vue des élections générales allemandes prévues en 2017.

L’après-Brexit est une immense chance pour l’Europe, notamment pour sa restructuration interne. Elle est aussi une opportunité majeure pour repenser une politique extérieure anti-russe qui la dessert plus qu’elle ne la sert. A moins que le Brexit ne disloque définitivement l’Union, causant incertitudes et atermoiements au plus haut de l’establishment européen, ce qui affecterait, même s’il s’en défend, Vladimir Poutine.

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