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France-Turquie : histoire d’une relation complexe

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La venue du Président turc Recep Tayyip Erdogan le 5 janvier 2018 à Paris et sa rencontre avec Emmanuel Macron devaient marquer le début du réchauffement des relations entre la Turquie et ses voisins européens. Moins sévère à l’égard du gouvernement turc que nombre de ses partenaires européens – Allemagne en tête -, la France apparaissait comme un interlocuteur approprié. Or, les relations entre les deux républiques ont toujours été complexes, allant de l’alliance officielle à une critique à peine voilée, même au sein de l’OTAN. Retour sur une relation aussi ancienne que changeante, à l’heure où le président Macron tente d’occuper un terrain diplomatique abandonné par ses homologues allemand et américain.

Des liens anciens et profonds mis à rude épreuve

Les liens entre la France et la Turquie ont longtemps été marqués par le réalisme géopolitique. Cela a conduit François Ier à signer un traité d’alliance avec le sultan ottoman Soliman le Magnifique avec pour but de prendre en tenaille les possessions des Habsbourg. Du fait du système des Capitulations, cette alliance s’avère de plus en plus déséquilibrée, permettant à la France de s’adjoindre une influence considérable au Levant, notamment en devenant protectrice des chrétiens du Mont-Liban (1860).

La France exerce ainsi une influence déterminante sur la Turquie, aussi bien politiquement que culturellement. L’ouverture d’un lycée français à Galatasaray (Istanbul) nourrit un courant réformateur au sein d’une élite turque occidentalisée, qui contribue fortement à la mise en place de la république autour de Mustafa Kemal (1923). La France devient un modèle pour la laïcité introduite par ce dernier, tandis que l’adoption de l’alphabet latin en Turquie s’inspire largement du français.

Toutefois, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les relations entre les deux pays se sont faites plus ambivalentes. Si les échanges commerciaux ont été multipliés par 4 depuis la création d’une Union douanière turco-européenne en 1995, et si les deux pays sont officiellement alliés au sein de l’OTAN, les relations ont souvent été tendues sur fond de confrontation idéologique. La France s’est faite la championne de la reconnaissance du génocide arménien par la Turquie (1915-1918) au sein de la CEE puis de l’UE, pour des motifs largement électoralistes, étant donné la présence d’une forte minorité arménienne en France. Cette position a largement contribué à ce que la Turquie considère – de façon exagérée – la France comme le principal critique du respect des droits de l’Homme en Turquie et de ses pratiques commerciales vis-à-vis de l’Europe. L’opposition vigoureuse des dirigeants français à l’adhésion de la Turquie à l’UE au cours de la dernière décennie, n’ a pas réchauffé les relations, à tel point que les échanges commerciaux et les investissements français en ont été affectés : si les industriels français déjà présents en Turquie n’ont que peu soufferts, le BTP français a été largement exclu des appels d’offre, à l’image d’Areva, Vinci (pont sur le Bosphore) ou Engie (gazoduc Nabucco).

Un retour à une politique pragmatique

Il convient cependant de relativiser ces différends, surtout sur le plan géopolitique, où la France a fait dernièrement preuve de davantage de pragmatisme. Contrairement à l’Allemagne, la France ne s’est pas engagée dans une critique massive de la politique intérieure de plus en plus autoritaire menée par Erdogan. Et, contrairement aux Etats-Unis, la France a montré qu’elle était davantage prête à reconnaître le rôle clef joué par la Turquie au Moyen-Orient, notamment dans le cadre du processus d’Astana. Cette posture transparaît notamment dans le contrat signé par la Turquie avec le franco-italien Eurosam pour son système de défense antiaérien, lors de la venue du président Erdogan à Paris. Ce réchauffement des relations franco-turques pourraient initier un nouveau chapitre des relations turco-européennes, tout en renforçant les velléités de leadership international d’Emmanuel Macron, alors que l’Allemagne avait présidé aux négociations sur la crise des migrants.

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