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L’élection de Morsi ou l’amorçage de la démocratie égyptienne

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Les élections se suivent et ne se ressemblent pas. Cette année rêve de marquer la frise de l’Histoire du sceau de la rupture. Après le lâche soulagement européen dimanche dernier à Athènes, hier, le monde regardait avec anxiété en direction du chantier démocratique pharaonique en Egypte. Et idéalisait l’envergure d’un changement.

Pipés dès le départ, les dés ont longtemps roulé pour un score connu à l’avance. Les votes s’étaient déroulés la semaine dernière et la longue latence entre le jour du vote et le jour des résultats révélait au grand jour les obscures tractations oligopolistiques entre les Frères Musulmans et l’armée égyptienne, comme si le pouvoir officieusement en place reconnaissait officiellement un mirage d’Etat démocratique aux mains du plus grand parti de la nation égyptienne.

Entre deux candidats conservateurs,  l’un pro-Moubarak, l’autre islamiste, la grande gagnante du suffrage fut la déception occidentale. La moitié du peuple égyptien, 51% des suffrages, s’exprimait pour élire l’homme sur le point de présider à la destinée du pays, horizon bien lointain lorsqu’on regarde encore aujourd’hui l’étendue du chemin à parcourir. Ce fut la roue de secours islamiste, Mohamed Morsi, qui rafla la mise de près d’un million de voix d’avance sur 25 millions de votants. Eternel bras droit de Khairat el-Shater, numéro deux des Frères musulmans, jusqu’à ce que ce dernier fusse disqualifié par la Commission Electorale, Morsi reçut de la main du peuple l’onction présidentielle. L’ancien premier-ministre de Moubarak, Ahmad Chafiq, voit derrière lui se fermer la porte de l’Ancien Régime.

L’ère est-elle pour autant à la démocratie ? L’armée détient toujours les rênes du pouvoir et s’obstine à refuser toute nouvelle Constitution, donc tout nouveau Parlement, tant que la sécurité du pays ne sera pas totalement rétablie. Le 14 juin, elle a dissous la Chambre basse, largement dominée par les Frères musulmans, sous prétexte de non constitutionnalité et en a profité pour imposer une déclaration prétendument constitutionnelle confiant l’ensemble des pouvoirs à l’armée. Les inquiétudes de l’Occident (remise en cause géopolitique des acquis méditerranéens et gestion du canal de Suez pour l’Europe, mise en péril de la stabilité proche-orientale pour les USA) porte centralement sur le programme des islamistes au pouvoir. Veulent-ils profiter de la précarité à la base de la pyramide sociale pour établir à son sommet une théocratie ?

Pour périlleuse qu’elle pût paraître, l’élection égyptienne promettait pourtant de nombreux changements. Promesses tenues. L’élection d’un président issu des urnes marque bien l’ancrage précoce mais profond de la démocratie et du rituel du vote. L’armée s’y est résignée et accepte le jeu des partis c’est-à-dire le dialogue. Et c’est justement ce dialogue qui est porteur de tous les espoirs car pour vaincre l’armée et le parti pro-Moubarak dans cette guerre pacifique pour le pouvoir, les Frères musulmans devront s’allier avec le camp laïc, démocrate mais alter-religieux. Les négociations, les tractations, les consensus rythmeront à moyen-terme les battements des jeunes cœurs démocrates. Les Frères musulmans devront également lutter contre les salafistes, les vrais islamistes intégristes que craignent les capitales occidentales. En somme, la droite démocrate-islamique a pris le pouvoir.

 

 

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