Le grand vainqueur du conflit Israël /Hamas, c’est le président égyptien
En fin de journée, mercredi, le président égyptien, Mohamed Morsi, a fait annoncer des « mesures d’exceptions ». Dorénavant, et jusqu’à nouvelle ordre, c’est lui le seul et unique dirigeant de l’Egypte.
M. Morsi a habilement joué sur deux tableaux à la fois. Alors que tous les médias le présentaient comme l’homme de la médiation, celui qui est parvenu à mettre en place la trêve entre Israël et le Hamas, le président égyptien s’est auto-accordé de nombreux pouvoirs.
Au cours de la déclaration de mercredi, il a été annoncé que l’ensemble des mesures et décisions prises par le président depuis son entrée en fonction ne pourraient pas être remises en question jusqu’à la mise en place de la nouvelle constitution. Sachant que le parlement égyptien n’est plus que constituant (et aux mains des Frères Musulmans), cela revient à concentrer pouvoirs exécutifs et législatifs entre les mains du président.
Parallèlement, il a destitué de nombreux hauts-fonctionnaires, dont le procureur général d’Egypte. Bien évidemment, leurs remplaçants, fidèles du président, ont immédiatement été nommés.
Cerise sur la gâteau, la conclusion de cette annonce : « Si un quelconque danger pouvant menacer la révolution du 25 janvier venait à surgir, le président pourrait prendre toutes les mesures qu’il estimerait nécessaires pour contrer cette menace ».
Nul besoin d’être un fin politologue pour flairer la menace d’une dictature en cours d’installation.
Pour bien comprendre la situation, il faut rappeler quels ont été les trois partis qui, unis, ont pu renverser le régime d’Hosni Moubarak : les Frères Musulmans, une jeunesse pro-démocratie avide de progrès sociaux et l’armée.
Comme après chaque révolution, la grande question, c’est la répartition du pouvoir entre les vainqueurs.
Désunies, sans aucune organisation ni aucune structure dans leurs revendications, les forces démocratiques ont vite été mises de côté par les deux autres partis. Périodiquement, on les laisse manifester place Tahrir (ce qu’elles n’ont pas manqué de faire après l’annonce de mercredi). Ceux qui ont initié la révolution ont donc d’emblée été mis à l’écart.
La position de l’armée est plus ambigüe. C’est, sans aucun doute possible, elle qui a permis la fin de l’ancien régime en « lâchant » M. Moubarak, son leader. Surpuissante, omniprésente tant dans l’économie que dans l’appareil d’Etat, on a pu penser qu’elle allait garder le pouvoir en donnant le change, et que la révolution du 25 janvier n’était finalement que la chute d’un homme, Hosni Moubarak, pas celle d’un régime. C’était sans compter sur l’habileté du troisième parti…
Les Frères Musulmans. Ce sont eux, les vrais vainqueurs. Forts d’un immense soutien populaire bâti sur une maitrise parfaite du populisme social et religieux, ils tiennent le pays via le président Morsi, issu de leurs rangs. Arguant du retour au calme après la révolution, ils ont, avec le soutien de l’armée, marginalisé les démocrates. Se faisant fort de couper les ponts avec la dictature de Moubarak, ils ont, avec le soutien des démocrates, affaibli l’armée en multipliant les procès de militaires anciennement cadre du régime Moubarak. Un coup dur a été porté en aout dernier quand M. Morsi a brutalement limogé l’essentiel de l’état major égyptien.
Quelles perspectives ? Difficile à dire : l’armée reste puissante, et n’est surement pas décidée à se laisser faire, et les élections législatives à venir pourraient changer la donne.
Affaire à suivre.