Leçons d’une Révolution égyptienne soi-disant ratée
L’expression de « printemps arabe », communément reconnue par les observateurs pour qualifier la période de retournement politique ayant secoué certains pays du sud et de l’est de la Méditerranée, pourrait bien avoir vécu. Par la contestation croissante du pouvoir de son Président, l’Egypte montre que comme dans une série américaine (et, évidemment, la comparaison s’arrête là), il faudra bien plus d’une saison pour parvenir au dénouement de l’histoire…
Quasiment toutes les administrations occidentales se sont félicitées du départ d’H. Moubarak. Une bonne partie du peuple égyptien également. Cependant, 18 mois après son éviction, il semble que l’Egypte soit passée du chaos… au chaos. La dernière proposition du Président Morsi de modifier la Constitution afin de s’arroger plus de pouvoirs a poussé à nouveau les Cairotes dans la rue. Une Constitution rédigée à la va-vite, pour un Etat qui ne semble pas avoir pris la mesure des changements structurels profonds que le départ d’H. Moubarak a généré.
Les difficultés égyptiennes (et celles également éprouvées en Libye et en Tunisie) ne doivent néanmoins pas nous pousser à un pessimisme mortifère. Oui, cela ne sert à rien de prétendre imposer une démocratie à des pays dont la jeunesse, cœur du mouvement contestataire, s’est éprise des valeurs occidentales de liberté et de justice, sans en connaître la véritable nature dans nos pays. Et oui, un avenir meilleur dans ces pays est possible si et seulement si le peuple est réellement au cœur des mutations sociales, politiques et économiques du pays. Pas lorsqu’on lui impose un modèle prémâché.
Le désastre mélodramatique syrien
A quelques lieues de là, beaucoup rêvent en Syrie de pouvoir jouir de ces capacités-là. Comme prévu, l’opposition rassemblée autour de Moaz Al-Khatib ne prend pas encore (mais laissons-lui le temps). Les Occidentaux agitent la menace d’une attaque chimique du régime en place contre ses opposants, menace qui, au mieux, frise le ridicule, et, au pire, discrédite une nouvelle fois nos intérêts. Cependant, le constat est clair : sauf circonstances exceptionnelles, le joug de B. Al-Assad est voué à durer. Même le Président Obama, empêtré dans la recherche d’un remplaçant à H. Clinton, s’y est fait, faute de mieux.
Face à ces deux situations forcément difficiles à comparer, il est impossible de tirer des conclusions définitives. Ces pays vivent des mutations qu’ils n’ont jamais connues depuis avoir acquis leur indépendance. Indépendance constitutionnelle certes, mais une dépendance politique et économique qui demeure, peut-être même plus marquée qu’il y a un siècle. Les dix-huit derniers mois en ont incité beaucoup à céder au fatalisme, ceux-ci pensant ces pays incapables de retrouver une viabilité économique et une stabilité politique minimale. Cependant, éprouver ces mutations non plus comme faisant partie d’un « printemps arabe », mais d’une véritable « décennie arabe », par exemple, laisse encore plusieurs années d’espoir vivace.