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Elections présidentielles en Afghanistan, enjeux et perspectives :

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L’Afghanistan est appelé aux urnes ce samedi 5 avril pour désigner le nouveau président qui succédera à Hamid Karzai. Treize ans de guerre ont laissé derrière eux un pays meurtri, qui cherche aujourd’hui à se reconstruire alors que l’ombre des Taliban plane toujours, près de vingt ans après leur prise de pouvoir en 1996. Quel bilan tirer de la présidence d’Hamid Karzai ? Et surtout, quelle menace la question talibane pose-t-elle réellement ?

Il serait trop simpliste de considérer l’intervention militaire menée par l’OTAN en Afghanistan comme un gigantesque camouflet. De 2003 à 2012, le taux de croissance moyen du pays avoisinait les 10%, tandis que la liberté d’expression, l’accès à l’éducation, le développement d’une  classe moyenne progressaient indéniablement. Fin 2013, le Bilateral Security Agreement (BSA) avait été proposé par les Etats-Unis. Cet accord devait permettre une transition en douceur pour pallier le retrait définitif des troupes américaines fin 2014 (formation des militaires afghans, une aide au développement plus réduite mais toujours existante ainsi que le financement à hauteur de 3,5 milliards de dollars d’un budget afghan de la défense).

Mais les treize années de présence américaine en Afghanistan et de la présidence Karzai  n’auront pas réussi à consolider suffisamment le pays pour lui assurer les bases d’un avenir délivré de la tutelle occidentale. La corruption et la faiblesse d’une économie gangrenée par la culture du pavot rendent quasi-inefficients les milliards de dollars américains investis dans l’Aide au Développement. Plus encore, la versatilité du président Karzai (qui n’a par exemple jamais signé le BSA, contraignant les américains à le retirer) a mené progressivement les occidentaux à se désintéresser de la question afghane, laissant le pays livré à lui-même pour échapper aux appétits de conquête de ses dangereux voisins. Le Pakistan entend bien profiter du retrait progressif des troupes américaines pour renforcer son influence sur ce pays qu’il a toujours considéré comme son arrière-cour. Le rapprochement de la Pakistan Army, des services secrets pakistanais et des Taliban afghans est à cet égard des plus néfastes pour la stabilité politique de l’Afghanistan. Ces derniers visent aujourd’hui à réintégrer les hautes sphères de la politique afghane, les plus modérés d’entre eux imaginant un gouvernement hybride au pouvoir partagé. Les attentats perpétrés depuis plusieurs semaines à l’encontre d’observateurs ou de journalistes occidentaux ne font d’ailleurs que confirmer la menace de perturbations de ces élections par les Taliban.

Vers un retour des Taliban au pouvoir ?

Le scénario du gouvernement hybride, s’il reste envisageable (même aux yeux des américains), n’en est pas moins dangereux. La réintégration de Taliban, au sein du gouvernement pourrait inciter ceux-ci à prendre en main progressivement la politique afghane et la menace de la résurgence d’un régime semblable à celui des années 1996-2001 serait bien réelle. Nul doute que la population afghane tentera par tous les moyens d’échapper à pareille situation politique. Cela suffira-t-il pour empêcher les Taliban de revenir au pouvoir ? Difficile pour l’heure de trancher, mais il incombera au prochain président de prendre des décisions radicales, qui engageront le pays sur la voie de la stabilisation politique, et sans compter sur l’aide d’occidentaux désormais « fatigués » de treize années d’une présidence Karzai des plus controversées.

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