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Le pétrole irakien, état des lieux et perspectives

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L’Irak possède les quatrièmes plus grandes réserves pétrolières prouvées du monde (150 milliards de barils) juste derrière l’Iran. D’importantes réserves encore mal évaluées pourraient même faire de l’Irak le 1er pays en terme de réserves mondiales, détrônant l’Arabie Saoudite. L’État se classe 11ème mondial en terme de ressources gazières. Cependant, malgré un important potentiel énergétique, les réserves irakiennes sont sous exploitées. Le pétrole contribue à 60% du PIB irakien, représente près de la totalité des exportations irakiennes. Avec un objectif annoncé de 9 millions de barils/jour par le gouvernement à l’horizon 2020, il s’agit d’un facteur clé pour la restructuration de l’état irakien.

État des lieux en 2003 :

L’industrie pétrolière irakienne fut malmenée depuis les années 80 : guerre contre l’Iran (1980-1988), invasion du Koweït et première guerre du Golfe (1990-1991), embargo des Nations Unies (1990-2003). Malgré ces évènements, la production pétrolière en 2003 y atteignait des niveaux records, enregistrés en 1979 dans un contexte pacifique. L’invasion américaine de 2003 eut cependant raison de la production irakienne. Sur l’ensemble des infrastructures énergétiques détruites, 1/3 furent détruites lors de bombardements, le reste lors de pillages. Ces destructions permirent aux entreprises américaines de forages et équipements comme Halliburton ou Schlumberger de s’implanter durablement dans le pays. De plus, le mouvement de débaassification instauré par l’administration Bremer/Al-Maliki, eut pour effet de licencier la majeure partie des ingénieurs expérimentés de l’Irak National Oil Company (INOC). Toutefois, l’invasion et le renversement de Saddam Hussein permirent de mettre fin à la nationalisation mise en place en 1972, ouvrant ainsi le secteur aux compagnies étrangères Total, BP, etc.

Défis internes :

Le secteur pétrolier irakien doit néanmoins faire face à de nombreux défis. Le plus connu est le défi sécuritaire ; de nombreux attentats frappent le pays dans le conflit opposant sunnites et chiites d’Irak. Deuxièmement, les infrastructures d’acheminement et les capacités de raffinage sont à développer. Paradoxe pour un pays aussi bien doté en hydrocarbures, l’Irak doit importer du pétrole raffiné. Troisièmement, il existe un vide législatif et un manque de gouvernance relatif à la politique pétrolière : quid de la réorganisation de l’INOC, du partage des revenus pétroliers avec le Kurdistan, de la taxation des compagnies étrangères. Enfin, les rémunérations fixes pour les compagnies pétrolières sont faibles, de l’ordre d’1-2 US$ sur les champs géants. Malgré des conditions a priori défavorables, de nombreuses entreprises étrangères s’implantent en Irak, espérant une amélioration du contexte.

Enjeux géopolitiques :

L’industrie pétrolière irakienne doit faire face à bien d’autres défis pour espérer s’imposer au niveau international et faire profiter le peuple irakien d’une importante rente pétrolière, à l’instar de ses voisins du sud-ouest. Le Kurdistan apparaît comme un premier défi. Ce dernier souhaite, en l’absence de loi sur le pétrole, user de ce dernier comme d’un instrument d’autonomisation. Cependant, Bagdad voit d’un mauvais œil le rapprochement entre Ankara et le gouvernement régional du Kurdistan. Ankara y voit un moyen d’accéder à des hydrocarbures 40% moins chères que celles vendues par la Russie et de réduire par la même son endettement et le déficit de sa balance des comptes courants. Kirkouk incarne cette lutte entre Bagdad et Erbil. Représentant à elle seule 20% de la production irakienne, la zone est activement disputée. Le désenclavement de l’Irak repose sur la mise en place des projets de gazoducs (Iran-Irak-Syrie avec à terme un raccordement au Liban) et d’oléoducs (Irak-Jordanie) mais aussi sur la modernisation des installations proches de Bassora, hub majeur d’exportation vers l’Asie. Enfin, une attention particulière doit également être portée aux réserves transfrontalières. L’Irak dispose de 15 champs en commun avec l’Iran et un nombre indéterminé avec l’ Arabie Saoudite. Des tensions frontalières ou liées à la surexploitation pourraient émerger.

En conclusion …

Les revenus pétroliers sont cruciaux pour le développement de l’état irakien. Une alliance avec la Chine sur le modèle du « consensus de Pékin » pourrait aider l’Irak dans la construction d’infrastructures et participer à la sécurisation des approvisionnements énergétiques chinois. Selon l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), d’ici 2030, 1/3 de la production irakienne sera exploitée par des entreprises chinoises ou en joint venture. L’Irak devra toutefois prendre en compte la politique de quota de l’OPEP et un enjeu majeur se profilant à court terme : le maintien des ressources hydrauliques en Irak, indispensables aux processus d’exploitation et de raffinage.

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