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De qui la Turquie est-elle vraiment l’alliée ?

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Membre de l’OTAN, intéressée par une intégration dans l’UE, la Turquie s’est fortement rapprochée de l’Occident au cours des dernières années. Néanmoins, sa dérive de plus en plus autoritaire, son rôle très ambigu au cours des printemps arabes puis en Syrie et son opposition de plus en plus frontale avec la Russie en font un acteur régional problématique.

La Une de The Economist en 2013, toujours aussi valide
La Une de The Economist en 2013, toujours aussi valide

Quel pays dans le monde peut se targuer d’être le premier à abattre un avion militaire russe depuis 1990, tout en menant une répression sur une frange de sa population, restreignant quelques libertés, et recevoir trois milliards d’euros d’aide de l’UE pour (enfin) s’attaquer au problème des migrants venus de Syrie ? Cette question résume pleinement le rôle équivoque de la Turquie, acteur régional indéniable au Moyen-Orient mais à la stratégie interne et externe parfois contestable.

Passons sur les antiennes répétées à propos de la Turquie : oui, le pays réclame toujours son entrée dans l’UE, et se trouve en position bien plus offensive que lors des premiers pourparlers d’il y a une décennie : l’UE n’est plus aussi forte économiquement, et la Turquie semble prête à monnayer une véritable politique sur la crise des migrants contre cette entrée. La destruction de l’avion militaire russe, dans des conditions encore obscures (au relatif silence international se serait opposée une volée de quolibets si cet avion avait été français ou américain !) , et l’escalade diplomatique qui s’en est suivie, montre qu’Erdogan répond à Poutine en usant de la même rhétorique, peu portée sur le compromis.

Une position turque non ambigüe sur la Syrie, c’est pour quand ?

Et pourtant, on ne peut nier tous les doutes à propos de la Turquie. Sa politique interne, tout d’abord. Il y a dix ans, la Turquie semblait prête à faire des efforts pour coller au modèle démocratique voulu par l’UE. Depuis, la poigne d’Erdogan a fait le reste, au mépris de quelques libertés, de manifestations réprimées, avec l’éternel objectif de vaincre ces Kurdes si inquiétants pour le régime. Mais c’est en externe que plus de questions doivent se poser. Que veut réellement la Turquie en Syrie ? Le départ d’Al-Assad évidemment, mais sa rhétorique anti-EI est encore faible, au pire complaisante. Une véritable pression internationale aurait pu l’obliger à prendre de véritables mesures contre l’arrivée de djihadistes étrangers en Syrie via son territoire, à ériger une zone tampon ou, au moins, une véritable frontière avec la Syrie (véritable passoire à ce jour). Quant à ces années passées où le pétrole de l’EI entrait en Turquie en contrebande pour mieux être dissous dans le pétrole venu du Golfe dans le terminal de Ceyhan, le doute persiste.

Il serait donc temps d’enfin étudier l’ambitieux régime turc comme il mérite d’être étudié. Alors qu’il présente des caractéristiques similaires au régime russe (volonté de renouer avec un passé glorieux, autoritarisme, velléités diplomatiques régionales), Poutine est autant haï qu’Erdogan courtisé, sans raison réellement avalable. A part celle de dire que la Turquie a un rôle à jouer contre l’ennemi désormais commun des russo-occidentaux. Rôle qu’elle refuse d’affirmer pour le moment.

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