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La Tunisie est-elle en passe de devenir la nouvelle Syrie ?

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L'attentat de Ben Gardane marque une nouvelle étape dans le projet politique de Daesh au sein de la région.
L’attentat de Ben Gardane marque une nouvelle étape dans le projet politique de Daesh au sein de la région.

Lundi 7 mars 2016, Ben Gardane, ville de 60 000 habitants au sud-est de la Tunisie est victime d’un attentat de l’organisation terroriste Daesh. La cible ? Les représentations du pouvoir politique tunisien au sein de la localité (caserne de l’armée, poste de police, bâtiment de la garde nationale). Si ce n’est pas la première fois que le pays est victime d’une attaque terroriste, le procédé ici utilisé se pare d’un caractère inédit. Il s’agissait, non pas de semer le trouble au sein des populations en s’attaquant à des civils (et plus particulièrement des occidentaux), mais d’une action à portée militaire visant à créer un mouvement d’insurrection au sein de la ville, en essayant de mobiliser et d’enrôler la population. Alors que cette tentative n’a pas été suivie par les habitants, la puissance politique de l’évènement sème le doute quant à l’avenir du pays et la capacité des autorités à faire face à la menace.

Daesh en Tunisie, ou la mise en œuvre d’une stratégie politique bien rodée

L’attaque de Ben Gardane s’inscrit dans la continuité d’un processus de déstabilisation économique et politique de l’État tunisien engagé en 2015. Les attentats du Musée du Bardo à Tunis, et d’un hôtel situé dans une station balnéaire près de Sousse cette année là avaient pour objectif principal d’impacter le tourisme, qui représente plus de 7% du PIB national, mais aussi de créer, au sein de la population, un sentiment de rejet des autorités politiques en place, alors même que le peuple tunisien s’est soulevé en 2010 avec l’espoir de plus de démocratie et d’une amélioration de la situation économique.

De cette méfiance à l’égard du politique pouvait alors logiquement découler une adhésion aux préceptes de l’État islamique, censés apparaitre comme une éventuelle opportunité de renouveau au sein du paysage tunisien. C’est ce qu’ont espéré les assaillants de l’attaque de Ben Gardane. En établissant des points de contrôle au sein de la ville et en attaquant simultanément des cibles politiques symboliques, les membres de Daesh ont tenté de rallier la population à leur cause, et de créer, selon les propos du chef du gouvernement Habib Essid, « un émirat en Tunisie ». Cette situation fait écho aux manœuvres mises en place par l’organisation en Syrie en 2014, et qui ont débouché sur un conflit qui s’étend désormais à une grande partie de la région.

Entre résistance de la population et ancrage de l’organisation terroriste au sein du pays

Cependant, les terroristes, se sont heurtés à un refus de la population de coopérer. 12 membres des forces de l’ordre et 7 civils ont été tués dans une attaque qui, si elle n’a pas atteint son objectif, est le marqueur de failles dans la gestion par les autorités de la menace terroriste. Elle révèle la faiblesse des mesures adoptées pour sécuriser la frontière avec la Libye, longue de 450 km, où Daesh est largement implanté. Par ailleurs, en frappant une région frontalière à ce pays en proie au chaos depuis l’intervention militaire occidentale en 2011, les terroristes espèrent exacerber le sentiment d’abandon qui règne au sud du pays. Au moins 5.000 tunisiens auraient rejoint les rangs de l’organisation, et la Tunisie serait le premier vivier de recrutement de Daesh. Ce chiffre pose la question de l’existence de cellules dormantes déjà ancrées sur le territoire tunisien, prêtes à déstabiliser le pays.

Daesh semble donc désormais être aux portes de l’Europe. Reste à savoir si les États européens prendront la mesure de cette progression fulgurante de l’organisation terroriste, en apportant toute l’aide nécessaire à l’État tunisien pour assurer sa stabilité et la sécurité de ses habitants, qui pour beaucoup, comptaient sur la Révolution du jasmin de 2011 pour faire un pas de plus vers la liberté.

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