Exploration de gisements d’hydrocarbures et crises diplomatiques en Méditerranée
L’annonce du lancement d’opérations d’exploration de gisements sous-marins de gaz et de pétrole de la part du gouvernement chypriote au large de ses côtes, à l’origine prévu début octobre, a été avancé. Cette annonce n’est pas sans avoir de lourdes conséquences diplomatiques dans la région et au-delà.
Nicosie (capitale chypriote) vient d’informer la communauté internationale que ses premières opérations de prospection ont débuté dans sa ZEE (Zone Economique Exclusive) le 9 septembre. Information qui ne pose a priori aucun problème diplomatique, puisque les Etats sont souverains sur leur ZEE. C’est sans compter le statut particulier de l’île. Depuis 1974, une « ligne verte » sépare l’île de Chypre et sa capitale Nicosie entre la République de Chypre (généralement appelée « partie grecque ») et la République de Chypre du Nord (généralement appelée « partie turque »), contrôlée par la Turquie. Seule la partie Sud de l’île est reconnue internationalement et est membre de l’UE.
L’annonce de ces opérations de prospections dans la ZEE chypriote a donc suscité une vive opposition de la part d’Ankara qui a demandé la cessation immédiate de la prospection de gisements pétrolifères et gazifères dans cette zone, alors perçue comme une provocation politique et diplomatique. Devant le refus chypriote, le Premier Ministre turc Recep Tayyip Erdogan a menacé d’entamer sous peu ses propres opérations sous couvert militaire. Elément venant encore compliquer les relations diplomatiques entre les deux Etats, Chypre a annoncé que la prospection des gisements énergétiques se faisait en collaboration avec Israël (partage des ZEE entre les deux pays afin d’éviter les conflits d’exploitation des gigantesques réserves gazifères potentielles). Or inutile de rappeler que depuis 2010 et l’attaque israélienne du navire turc qui a fait neuf victimes, les relations diplomatiques entre la Turquie et Israël sont gelées : devant le refus israélien de faire des excuses officielles, la Turquie a expulsé l’ambassadeur israélien et suspendu ses accords militaires avec l’Etat hébreu.
En conséquence, ce conflit met en jeu un réseau de relations diplomatiques qui va bien au-delà de la zone méditerranéenne.
En effet, les Etats-Unis, pourtant très attachés à leurs deux alliés stratégiques dans la région – la Turquie, seul modèle d’une démocratie islamique et qui cherche à gagner en influence au Moyen-Orient et Israël, allié historique pourtant isolé dans la région – ont très rapidement pris position en faveur des autorités chypriotes. L’Union Européenne est également dans une position diplomatique délicate : en plein débat sur l’adhésion de la Turquie, Catherine Ashton a appelé le Premier Ministre turc à s’abstenir de toute menace envers la République de Chypre, souveraine en ses eaux territoriales…