1812 : La défaite de Napoléon en Russie (1/2)
La campagne de Russie a sillonné un souvenir glacial dans tous les esprits français. Les récits passionnés de Tolstoï, les lettres du plus fameux écrivain-soldat de la campagne Stendhal et le lyrisme de Victor Hugo (« Il neigeait. On était vaincu par sa conquête / pour la première fois l’aigle baissait la tête. ») ont transformé cette campagne militaire en berceau du romantisme.
« Mais que diable allait-il faire dans cette galère ? » aurait répliqué fort justement Cyrano de Bergerac. Les causes du conflit sont multiples mais gardons les trois principales. Tout d’abord, Alexandre 1er ne supportait pas la présence du grand duché de Varsovie à la frontière de son pays. Il voyait en la résurrection de la Pologne un danger stratégique pour son pays, les polonais ayant marché sur Moscou en 1610 au terme d’une guerre terrible. De plus, Alexandre n’avait pas digéré l’annexion par Napoléon en 1810 du duché d’Oldenbourg, royaume de son propre beau-frère ! Enfin, l’économie russe souffrait du Blocus Continental imposé par Napoléon depuis l’entrevue de Tilsit en 1807. Le tsar acceptait l’arrivée de produits anglais pour sortir de l’impasse. Alexandre rompit son pacte et taxa fortement les produits français. La détermination de Napoléon à sauver son Blocus Continental, Alexandre la connaissait. Il se résigna à la guerre : il plaça son armée au bord du Niémen. Napoléon, averti, lança ses troupes pour fondre sur ses ennemis. La guerre était déclarée.
En juin 1812, Napoléon franchit le Niémen avec 440 000 hommes avec la ferme intention de battre son « frère », l’empereur de Russie, Alexandre 1er. La plus « Grande Armée » du monde regroupe en son sein des polonais, des autrichiens, des italiens, des prussiens, des hollandais. Les « grognards » français ne représentent que 40% du convoi, soldats pour la plupart inexpérimentés puisque le gros des troupes se trouve en Espagne pour mater les guérilleros. Polyglotte, l’armée souffre déjà des difficultés de communication, pleure déjà un sentiment commun, manque déjà d’un message galvanisant toutes les énergies pour détruire par la seule force de la volonté l’ennemi russe. Seuls les polonais de Poniatowski sentent que de cette guerre naîtra, sans doute, un Etat polonais.
La stratégie du corps russe est claire et définie par le général Barclay de Tolly : la retraite, faire avancer l’invincible armée dans les terres russes et éviter à tout prix le combat. Quelques batailles ont lieu, l’orgueil russe refaisant surface : Smolensk, la Moskowa. Autant de victoires françaises quoiqu’en dise Tolstoï. Quand Napoléon arrive à Moscou en septembre, il est accompagné par 110 000 hommes. 100 000 ont été laissés derrière lui. Les autres ? Ils ont déjà disparu morts affamés, harcelés par les cosaques. Les pluies diluviennes du mois de juillet ont ralenti l’avancée des voitures pleines de vivres et ont favorisé la propagation de la dysenterie. Paradoxalement, l’hiver terrible a été devancé par un été meurtrier : la moitié de l’armée de Napoléon a disparu !
Bibliographie : Marie-Pierre Rey L’Effroyable tragédie