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La chute de l’URSS et ses conséquences économiques et sociales en Asie centrale

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Astana, au Kazakhstan. Si ce pays est de loin le leader économique de la région, les inégalités y restent très fortes.
Astana, au Kazakhstan. Si ce pays est de loin le leader économique de la région, les inégalités y restent très fortes.

Comme l’a montré Hélène Carrère d’Encausse dans son célèbre ouvrage L’Empire éclaté (1978), l’image d’Epinal d’une exploitation des républiques d’Asie centrale par le « colonisateur » soviétique est en partie erronée. En effet, si l’oppression politique ne peut être remise en question, il convient de remarquer que l’Asie centrale a bénéficié de transferts importants lui permettant de mettre en place un état providence conforme aux normes soviétiques. De plus, la proximité de la superpuissance soviétique a été pour cette région isolée un puissant facteur de désenclavement. Ainsi, le prix de l’indépendance pour les cinq républiques (Kazakhstan, Ouzbékistan, Turkménistan, Tadjikistan, Kirghizstan) a été lourd.

Le bilan à l’issue de la décennie 1990 est terrifiant pour la région, et n’a guère évolué depuis. La disparition brutale de toute couverture sociale et l’effondrement du système de santé ont provoqué le retour des maladies endémiques comme la tuberculose. Le chômage devient un fléau humanitaire : la population de ces pays se trouve coincée entre le marteau (effondrement économique qui entraine la montée du chômage) et l’enclume (effondrement du système social et donc des subventions aux chômeurs). Ainsi, on estime qu’au début des années 2000, près de la moitié de la population turkmène est sans emploi. La première conséquence de cet état de fait fut l’explosion de l’émigration de travail, qui concerne encore aujourd’hui plus de 2 millions de personnes dans la région, qui partent principalement en Russie (seul « pôle » économique accessible pour cette région enclavée). A titre d’exemple, un tiers des populations rurales du Tadjikistan travaille à l’étranger (pour un salaire de misère), et les transferts vers leurs familles restées sur place représentent plus du tiers du PNB.

Il convient néanmoins de dresser une typologie entre les pays de la région, tant leur situation peut varier. Ainsi, le Kazakhstan se pose clairement en leader : l’exploitation de ses hydrocarbures et la relative résilience de son industrie après le choc de 1991 lui ont permis de maintenir une prospérité (toute relative). Le Turkménistan, qui jouit lui aussi de réserves gazières théoriquement (les données sur le sujet sont très contestées) pharaoniques, pâtit de l’incurie des politiques menées par l’ancien président Niyazov. L’Ouzbékistan, colosse démographique et agricole d’une région globalement aride, souffre énormément de son total enclavement. Enfin, Tadjikistan et Kirghizstan sont les deux pays les plus pauvres, combinant tous les inconvénients de leurs voisins (mauvaise gestion, népotisme, corruption, enclavement, sous-industrialisation) avec l’absence de toute ressource naturelle.

Cette profonde détresse socio-économique (plus de la moitié de la population en dessous du seuil de pauvreté), résultante de l’effondrement soviétique, est un puissant facteur d’explication (sans être le seul) du nouveau rapprochement géopolitique entre l’Asie centrale et ses voisins, Russie et Chine. Après l’échec de la « solution occidentale » (le Kirghizstan fut dans les années 1990 un de ces « modèles » du capitalisme libéral, avec le succès que l’on sait…), ces républiques ont pris position : pour combattre le fléau de l’enclavement, il faudrait, comme à l’époque soviétique, s’insérer dans un espace géo-économique cohérent.

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