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La Grande Guerre est-elle enfin derrière nous ?

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la dame aux camélias
Affiche de A.Mucha pour la pièce La dame aux camélias, jouée par Sarah Bernhardt, 1896

Le centenaire de la Grande Guerre approche, pourtant même après cent ans les Français s’intéressent toujours autant à cette guerre. L’imaginaire collectif national reste marqué par l’événement, et les cérémonies du 11 novembre dernier ravivent encore la flamme du souvenir. La guerre de 1914 clôt la période dorée de la Belle Époque, où la France et l’Europe étaient à l’apogée de leur puissance. La France semble aujourd’hui embourbée dans un marasme prolongé et les finances publiques n’ont pas été à l’équilibre depuis 1974. Pourtant, malgré la crise l’analyse économique sur le long terme nous montre que le pays est redevenu dans les années 2000 presque aussi riche qu’il l’était au début du XX siècle. La Grande Guerre est-elle enfin derrière nous ?
En 1918, la France est très affaiblie, la guerre a fait plus de 9 millions de morts et les régions industrielles du Nord et de l’Est sont ravagées. Le pays connaît ensuite la crise des années 30, puis la guerre de 1939-1945. De plus la décolonisation et la révolution communiste russe font perdre à la France beaucoup de capitaux investis à l’étranger. Ainsi les années 1910-1950 constituent un véritable tournant puisque la richesse française s’effondre. Le rapport entre le capital français et le revenu national, qui mesure l’ensemble de la richesse possédée par les Français par rapport à ce qu’ils gagnent en une année diminue spectaculairement (cf graphique 3.2). Le capitalisme français du début du siècle marqué par l’opulence des grandes familles propriétaires devient un capitalisme sans capital en 1950.

graphique capital revenu piketty
Le capital en France 1700-2010

Par contraste la période des Trente Glorieuses paraît exceptionnelle, de 1945 à 1975 le pays a une croissance moyenne de 5%, et reconstitue petit à petit le capital perdu par les guerres. Surtout, fait historique majeur, une classe moyenne émerge : c’est la première fois qu’une très large part de la population accède à la propriété et a les moyens d’accumuler un capital. La prospérité profite alors à tous ce qui n’était pas le cas de la société française du début du XX siècle très inégalitaire. Ainsi les 10% de la population les mieux dotés en capital voient leur part dans le capital national baisser de 90% à 60% entre 1910 et 1970 (cf graphique 10.1).

inégalité patrimoine france piketty
L’inégalité des patrimoines en France, 1810-2010
graphique inégalité revenu en France piketty
L’inégalité des revenus en France, 1910-2010

 

Depuis les années 1970, le capital français n’a cessé de progresser, à tel point qu’aujourd’hui les Français disposent en capital de 6 années de revenus (cf graphique 3.2). Cette augmentation s’explique notamment par le taux d’épargne des ménages français en moyenne supérieur à 10% (cf tableau) sur la période 1970-2010. Le pays n’a donc jamais été aussi riche depuis 60 ans et les niveaux de la Belle époque seront sans doute rattrapés. Ceci permet de relativiser le poids de la dette actuelle qui représentait en 2010 71% du revenu national, moins d’une année de revenu. Les affres du XX siècle sont donc bien derrière nous puisque nous avons retrouvé le niveau de richesse de la Belle époque. Néanmoins veillons à ce que la formidable réduction des inégalités depuis le début du XX siècle reste pérenne (cf graphique 8.1).

Pour aller plus loin: Thomas Piketty, Le Capital au XXI siècle

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