1939 - 1973EvénementsUnion européenne

L’échec de la Communauté Européenne de Défense (CED)

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L'échec politique de la CED, en 1954, a eu des conséquences majeures sur la géopolitique européenne.
L’échec politique de la CED, en 1954, a eu des conséquences majeures sur la géopolitique européenne.

Europe, 1950 : sur les braises d’une reconstruction douloureuse, déjà rougies par les rancœurs nationales, souffle le vent de la guerre froide. Depuis le début de la guerre de Corée, Washington craint la multiplication de conflits en particulier dans une Allemagne divisée entre RDA et RFA. Faute d’un Pacte Atlantique aguerri, la solution passe par le réarmement de la RFA, 5 ans après l’armistice. La pression américaine fait céder les digues françaises : Schuman et Pleven se saisissent de l’idée et proposent un projet français de réarmement allemand dans une force européenne mutualisée subordonnée à l’OTAN qui approfondirait l’intégration européenne impulsée en 1948 avec la CECA ; c’est la Communauté Européenne de Défense (CED). Ce traité est signé le 27 mai 1952. Malgré un conseil des ministres à sa tête, le général américain de l’OTAN serait effectivement à la tête de cette armée. Comme d’autres projets européens, la CED révèle l’importance des pressions de la guerre froide et des USA dans la construction européenne.

Sauf que le contexte politique en France est délicat. L’Assemblée est très divisée. Les deux premiers partis, le RPF gaulliste et les communistes  rassemblent 36% des députés, contraignant les partis institutionnels (MRP, SFIO, radicaux) à s’unir pour former des coalitions. Les chantres de la souveraineté française gaullistes s’allient aux contempteurs communistes de l’ordre atlantiste. Seul le MRP est quasi-unanimement en faveur du projet. Le sujet anime l’élection présidentielle de 1953 : le vainqueur, René Coty, est élu pour ne s’être pas prononcé lors du débat, étant hospitalisé ! Les présidents du Conseil se passent la patate chaude et évitent coûte que coûte un vote qui annihilerait une coalition fragile due aux faiblesses constitutionnelles de la IVème République.

A force d’attendre, le contexte évolue : la guerre de Corée prend fin et Staline meurt. Les arguments des « cédistes » s’étiolent. La multiplication des pressions américaines renforce l’union des anticédistes derrière De Gaulle, engagé dans sa politique d’indépendance nationale. Par-delà la peur du réarmement allemand, l’union des détracteurs se fait autour d’un antiaméricanisme. Considérant le projet déjà enterré, Pierre Mendès-France ouvre la boîte de Pandore le 30 août 1954 sans engager la confiance de son gouvernement : le projet est assassiné.

Les conséquences de cet échec peuvent paraître minimes puisqu’en 1955, la RFA intègre l’OTAN sous le contrôle d’une agence européenne de l’armement dominée par les Français. Pourtant, le projet a tué le RPF, qui, à vouloir entrer dans un système politique qu’il avait vocation à renverser, a perdu son leader, De Gaulle. Les séquelles sont surtout géopolitiques : l’absence relative d’Europe de la défense aujourd’hui trouve sa racine dans cet échec, tout comme le recentrage du projet européen sur l’économie. La résolution Messine donnant naissance à la CEE n’est-elle pas une réaction à l’échec de la CED ? En 1961, De Gaulle tente de relancer l’Europe de la défense par le plan Fouchet : nouvel échec. Car l’Europe de la défense cristallise les divisions sur la vision de l’Europe : Europe fédérale de Monnet contre « Europe des patries » de De Gaulle.

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