L’échec du Grand Bond en avant
Le « Grand Bond en avant » est une initiative lancée par Mao en 1958 afin de rééquilibrer la société chinoise d’alors et de rattraper les pays occidentaux en 15ans. Elle se soldera par un échec monumental et tragique.
Le « Grand Bond en avant » est inscrit dans une logique nationaliste : la Chine critique l’URSS pour sa passivité face à l’Occident et veut montrer son propre projet de puissance. Dans le même temps, le premier plan quinquennal, s’arrêtant en 1956 et favorisant l’industrie lourde dans une logique soviétique, a complétement ignoré les paysans qui représentent la majorité des travailleurs du pays ainsi que des adhérents du parti communiste. Or c’est sur cette base de paysans que s’appuie le régime de Mao et le communisme chinois, essentiellement rural, au contraire du communisme russe, essentiellement urbain. Mao lance donc une réforme en profondeur de la structure de l’État afin que le pays « marche sur ses deux jambes ».
26 000 « communes populaires » sont ainsi créées pour englober les quelques 500 millions de chinois de l’époque. Ces « communes » regroupent chacune plusieurs coopératives et deviennent le nouveau socle de la société : même les grandes villes sont divisées en communes. Il fut envisagé que la monnaie soit supprimée ainsi que toute propriété privée. Les paysans sont invités à redoubler d’effort et à fabriquer eux mêmes leurs propres outils. Ce grand élan commun est résumé dans cette phrase de Mao : « Trois ans d’efforts pour mille ans de bonheur ». Le but est d’utiliser la masse démographique de la Chine pour rattraper l’Occident.
Mais le projet tourne court et donne lieux aux « années amères » de 1959 à 1961 et ce, pour plusieurs raisons. Le froid politique entre la Chine et l’URSS entraîne le départ de conseillers soviétiques chargés d’aider la Chine dans son développement. Ces conseillers partis, seuls les idéologues de Pékin sont aux commandes. Les paysans sont réquisitionnés pour raser les anciens villages et mettre en place les « communes populaires ». Il leur est demandé à ceux qui sont encore au champs d’utiliser leurs nouveaux outils : rudimentaires pour la plupart et souvent moins performant que les anciens. Enfin, des instructions illogiques leur sont données, comme de semer sur des territoires pourtant arides ou gelés. Mao se permet même certains commentaires comme de « planter les semis plus rapprochés ».
Le résultat de cette politique absurde est accablant : la production céréalière de 1960 est inférieure de 25% à celle de 1958 et les prélèvements de nourriture par les villes sur les campagnes continuent, entraînant une famine qui fera de 20 à 40 millions de morts. Cet échec fait perdre à Mao son poste de président de la Chine populaire en 1959 et le contraint à une éclipse politique. Les lopins de terre privés sont rétablis et les « communes populaires » réaménagées. Il faudra attendre la révolution culturelle de 1966 pour voir à nouveau un désastre politique de cette ampleur.