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Le monde avant 1914

L’essoufflement britannique au tournant du XXe siècle

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Les obsèques de la reine Victoria

De nombreux historiens aiment à placer le début du XXe siècle le 22 janvier 1901, date de la mort de la reine Victoria. En effet, la disparition de cette dernière marque la fin d’une époque durant laquelle le Royaume Uni a sans conteste dominé le globe. « Titan fatigué », selon les mots de Chamberlain, l’Angleterre de 1913 n’est plus la toute puissante Albion de 1870.

En 1870, le Royaume Uni est la première puissance industrielle (32% de la production mondiale). En 1913, elle est passée derrière les Etats Unis et l’Allemagne avec « seulement » 14% du total à l’échelle du globe. C’est dire que le pays a manqué le virage de la 2e révolution industrielle. Autrefois paradis de l’innovation, son retard technologique devient tel qu’elle doit faire appel à des ingénieurs étrangers pour électrifier le métro de Londres. Ce déficit d’innovation se fait également ressentir dans les domaines de la chimie, de la construction automobile, de l’électrométallurgie ou de l’extraction minière. Par ailleurs, l’industrie britannique souffre cruellement d’un sous investissement presque pathologique (les financiers préfèrent investir leurs fonds à l’extérieur) et d’un manque de concentration (malgré la naissance de grands groupes, comme l’Anglo Persian Oil Company, future BP, en 1909).

Chantre indéfectible du libre échangisme, l’Angleterre en subit les effets pervers au tournant du siècle. A l’heure où les autres grandes nations élèvent leurs barrières douanières, et alors que sa compétitivité prix chute du fait de l’obsolescence de ses techniques, le Royaume Uni voit sa balance commerciale s’effondrer : les produits étrangers (tout particulièrement allemands), plus compétitifs et ne supportant pas de droits de douane, inondent son marché, alors que l’exportation de la production locale est freinée par le protectionnisme des autres puissances. Le libre échangisme a également fait chuter la production agricole : seules les grandes exploitations modernes et compétitives demeurent, le taux d’autosuffisance alimentaire passant de 80% en 1870 à 30% en 1914.

Ce tableau bien sombre ne doit pas cacher la réalité de facteurs de rayonnement encore colossaux. C’est un lieu commun d’évoquer l’empire colonial britannique sur lequel « le soleil ne se couche jamais » : 30 millions de kilomètres carrés, 300 millions d’habitants, une paille. Le Royaume Uni est également, de très loin, la première puissance financière et le premier exportateur de capitaux (au détriment de l’industrie de la métropole, on l’a vu). La flotte britannique (40% du tonnage mondial) procure à l’Angleterre des revenus colossaux. La livre sterling, seule monnaie entièrement couverte par un stock d’or, est de facto l’étalon mondial. Il faut enfin mentionner l’existence d’un modèle social britannique qui, outre le rayonnement qu’il procure, a permis à l’Angleterre d’éviter un éclatement social à l’heure de la paupérisation des classes inférieures de la société. Citons, à titre d’exemple, la « semaine anglaise » (un jour et demi de congé hebdomadaire, 1854), l’allocation chômage (1908) ou l’assurance sociale (1911).

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