Le bouleversement du marché énergétique durant les années 1970 : prémices (1/3)
Pour nombre d’observateurs, les chocs pétroliers intervenus en 1973 et 1979 ont renversé à jamais l’ordre énergétique établi depuis 1945. Fortement prévisibles, ils ont néanmoins surpris Etats et populations, enthousiasmés par les taux de croissance obtenus depuis trois décennies.
La prégnance du pétrole dans la consommation énergétique mondiale, et notamment occidentale, s’est créée depuis 1945. La cause majeure de cette mainmise est purement économique : les coûts de production et donc le prix du pétrole étaient sensiblement inférieurs à ceux des autres sources de production telles le charbon ou le nucléaire naissant. Cette faiblesse des coûts est elle-même due à plusieurs facteurs : existence d’un cartel de sociétés pétrolières occidentales (les « majors ») ayant tous pouvoirs dans les grands pays producteurs, progrès technologique permettant un accès plus facile et moins coûteux aux productions, politiques publiques favorisant cette transition du charbon vers les hydrocarbures. Il s’en suit, fort logiquement, une extraordinaire hausse de la consommation, les hydrocarbures couvrant très rapidement, dès les années 1950, la majorité des besoins énergétiques occidentaux. C’est ainsi que la consommation mondiale de pétrole triple entre 1955 et 1973, un boom énergétique jamais vu auparavant.
Ce passage au tout-pétrole ne favorise pas uniquement Etats et populations : il contribue au développement de certains secteurs : raffinage évidemment, mais également chantiers navals (suite au boom du transport de brut) et automobiles. Plus largement, on identifie peu de perdants en Occident suite à cette transition énergétique : l’Etat accroît ses rentrées fiscales via des taxes sur la consommation, les populations grâce à la baisse des prix et, bien évidemment, les grandes majors et leurs sous-traitants.
Cette transition génère un certain nombre de problèmes. En premier lieu, les pays occidentaux, jusque-là producteurs de la majorité de leur énergie consommée, deviennent désormais dépendants vis-à-vis de leurs imports de brut provenant majoritairement du Moyen-Orient. Cela grève considérablement leur balance commerciale, annihile toute politique énergétique d’ampleur et vulnérabilise véritablement la situation économique des pays occidentaux envers des pays dont le contexte politique demeure instable. De plus, les Occidentaux sont inconscients et insensibles à des problèmes de long-terme, comme les atteintes à l’environnement ou l’absence d’efficacité énergétique réelle des nouveaux équipements construits. Des problèmes qui vont apparaître à la face du monde dès le déclenchement de la crise pétrolière.