A partir des années 1980, de nouvelles représentations du monde
Une première conception est celle d’Huntington (1927 – 2008) qui écrit, en 1996, The Clash of Civilisations and the Remaining of Order, traduit en français par Le Choc des Civilisations. Il développe un schéma de dynamiques civilisationnelles puisqu’il choisit de découper le monde en neuf aires de civilisations selon des aspects culturels. On peut douter de la fiabilité de ces aires, puisque l’influence de telle ou telle civilisation est plus ou moins ressentie selon les régions. Il y a, de plus, des superpositions probables. Enfin, les critères sont de différentes natures, ce qui est critiquable. Certains sont d’ordre religieux, d’autres strictement réservés à des Etats, alors que certains délimitent des régions entières. En outre, Huntington montre les relations antagonistes des civilisations, les points de rupture et les conflits possibles entre les civilisations, alors que, généralement, il y a interpénétration des civilisations.
D’autres représentations voient le jour à partir de la fin du monde socialiste. En 1992, Francis Fukuyama, élève d’Huntington, publie La Fin de l’Histoire et le dernier Homme, dans lequel il estime qu’il y a une marche inexorable vers le capitalisme et que les Etats-Unis dominent le monde par absence de contrepoids. C’est en partie pour cela que Huntington a publié son œuvre, car il y a, selon lui, d’autres critères d’opposition, et le 11 septembre lui a d’ailleurs donné raison. Pourtant, selon Paul Kennedy, qui écrit en 1989 Naissance et Déclin des grandes Puissances, une civilisation dominante connaît une apogée et un déclin à cause d’autres civilisations. Ainsi, il compare le déclin des Etats-Unis à celui du Royaume-Uni à la fin du XIX° siècle, et même à celui de l’Empire romain. En effet, les Etats-Unis sont de plus éclipsés par la Chine et la civilisation islamiste.
Aujourd’hui, l’idée d’un monde multipolaire semble de plus en plus commune. Cette idée est que, certes, il demeure une centralité, mais que celle-ci est multiple. Pour Kenichi Ohmae, cette centralité réside dans les trois pôles de la Triade, dont le terme date de son livre, Triad Power. Ces pôles sont alors les Etats-Unis, l’Union Européenne et le Japon. Saskia Sassen parlait à partir des années 1980 de « villes mondiales » alors que Jean Gottman avait déjà fondé le terme de mégalopolis (du nom de son livre de 1961). La métropolisation concerne aujourd’hui essentiellement trois continents que sont l’Amérique, l’Europe et l’Asie. Il apparaît alors qu’un important réseau structure les relations entre ces modèles, néanmoins différents. En Amérique, on remarque une polarisation centrée sur les Etats-Unis, alors que l’Asie est un espace multipolaire, notamment composé du Japon, de la Chine, de l’Inde, de la Corée du Sud et de Singapour, où se côtoient concurrence, rivalités et coopération. Enfin, en Europe, c’est un processus de coopération économique collectif qui marque ce continent d’une certaine singularité. On constate aussi des espaces en marges, essentiellement en Afrique ou en Amérique, ainsi que des puissances régionales parmi lesquelles la Russie, la Turquie, Israël, l’Iran et même l’Afrique du Sud. La description de ce monde « multipolaire » est dès lors bien moins simpliste que celle qu’avait voulu faire Huntington.