La guerre des « terres rares » a commencé
Alors que le monde s’affole pour des trivialités électorales et économiques sur-médiatiques se joue dans les coulisses un combat géopolitique. Purement géopolitique car il voit s’affronter des entités politiques et économiques pour le contrôle d’un territoire. Purement géopolitique car il recèle en lui les clés de compréhension des conflits à venir.
Les tensions se multiplient à propos de ces « terres rares », un groupe de métaux comme le lanthane, le cérium, le scandium, l’yttrium, … Ces métaux valent de l’or et changent nos vies occidentales en toute discrétion. Ils sont à la base des pots catalytiques, des téléphones portables, des batteries, des écrans plasma, des ampoules, … Leurs cours affichent des hausses comprises entre +500% et +3000% par an dans l’indifférence générale. Les militaires, les industriels pétroliers et les écologistes connaissent les enjeux de ces métaux rares puisqu’ils permettent la fabrication d’aimants pour le téléguidage de missile, qu’ils sont très utiles dans le raffinage pétrolier et qu’ils permettent aux éoliennes de tourner et aux ampoules basses consommation d’éclairer !
Toutes ces utilisations leur confèrent un primat stratégique incontestable. Qui maîtrise ces matières indispensables à l’épanouissement des nouvelles technologies, cœur de notre croissance actuelle (probablement au centre de la prochaine bulle qui ébranlera le capitalisme), dernier vestige de l’innovation, contrôle le monde. Toutes les grandes puissances ont intérêt à maîtriser à la fois les stocks et les flux de ces matières premières. Les stocks, c’est-à-dire les réserves et la sécurité de leur extraction. Les flux, c’est-à-dire la sécurité de leur transmission aux industries occidentales.
Du côté des stocks, on trouve des réserves un peu partout dans le monde : 36% des réserves se trouveraient en Chine, 20% en Europe, 15% aux USA, 5% en Inde. Mais la répartition de la production est tout autre : 96% de la production mondiale de terres rares est réalisée en Chine ! Maîtresse des stocks, la Chine contrôle les flux. Fin 2010, la Chine a provoqué une hausse des cours en abaissant ses quotas d’exportation. Washington et Bruxelles, importateurs, passent à l’offensive en mars 2012 : l’OMC tranchera.
C’est là que le bât blesse. Car ce différend commercial couvre un abandon de souveraineté dissimulé par la nouvelle moralité écologiste des occidentaux. Les terres rares sont très difficiles à extraire (donc demandent beaucoup d’investissements) et leur production est très polluante (donc demande d’autant plus d’investissements dans les pays occidentaux où les normes sont plus pointues). Dans les années 1970, les groupes occidentaux renoncèrent au traitement de ces métaux et les délocalisèrent dans une Chine plus « souple » écologiquement. Aujourd’hui, les USA reviennent sur leur décision et relancent les plans d’extraction en Californie.
Qui voit la face la plus brillante de la médaille reconnaît que la décision est louable puisqu’elle a évité un désastre écologique et humain (pollution radioactive, acides dans les nappes phréatiques, maladies pulmonaires, …). Mais le revers de la médaille est une dépendance énergétique dangereuse à l’heure de l’amenuisement des matières premières et de l’essor considérable de la demande pour des produits de haute technologie.