Quinze ans plus tard : comment l’Allemagne est passée de boulet à locomotive de l’Europe
C’était il y a tout juste une dizaine d’années. La France tirait la croissance européenne, et l’Allemagne était considérée, dixit l’économiste allemand Hans-Werner Sinn, comme l’ « homme malade de l’Europe », expression aujourd’hui réutilisée parfois pour désigner notre pays. Que s’est-il passé depuis pour que l’Allemagne soit considérée par nos politiques comme un modèle à suivre ?
Au milieu des années 1990, suite à la crise du début de décennie, les économies allemandes et françaises sont mal en point. L’Allemagne paye également le coût élevé de sa réunification (certains évoquent un montant autour de 1300 milliards de dollar, soit la moitié du PIB de la France en 2012). Mais alors qu’à la fin des années 1990, la croissance repart en France (3,4% en 1998, 3,3% en 1999 puis 3,7% en 2000), l’Allemagne patine (1,9% en 1998 et 1999). Aujourd’hui, la France ne fait que regarder outre-rhin avec admiration, et voudrait bien imiter un modèle qui a mis plusieurs années à s’affirmer.
Entre-temps, le chancelier allemand Gerhard Schröder, a initié les réformes courageuses dont l’Allemagne avait besoin. La « troisième voie », par des mesures libérales, doit entrainer une redynamisation du pays. Ainsi, en 2002, les lois « Hartz », du nom d’un ancien chef du personnel de Volkswagen à l’origine d’un rapport sur la situation de l’Allemagne, enclenchèrent une remise à plat du système allemand. Alors que d’un côté, le marché du travail gagne en flexibilité (les années 1990 avaient vu le coût du travail allemand exploser) grâce à une simplification des procédures administratives, les chômeurs sont désormais soumis à un encadrement plus strict (cf. la loi Hartz IV, très controversée à l’époque). L’agence allemande pour l’emploi est également restructurée afin d’améliorer la réinsertion des chômeurs.
Résultats et poursuite des réformes
En quelques années, le chômage chute alors de 40%, et l’Allemagne regagne en compétitivité, relançant ainsi sa croissance (également tirée par la croissance mondiale à partir de 2005). L’ « agenda 2010 » lancée par Gerhard Schröder et poursuivi par Angela Merkel permit de poursuivre en ce sens : réforme de l’assurance maladie en 2003, TVA sociale en 2007… Enfin, le dialogue social allemand a été à l’origine de multiples accords de compétitivité, préservant l’emploi et évitant des délocalisations douloureuses.
Bien sûr, ces mesures ont également leurs effets négatifs, notamment une augmentation de la pauvreté parmi les chômeurs. Mais quoi qu’il en soit, elles ont permis à l’Allemagne de conserver une balance commerciale excédentaire (+188 milliards d’euros en 2012, un record, contre -67 milliards pour la France) et un chômage faible (6,8% en 2012, soit son plus bas niveau depuis plus de 20 ans).